mercredi 30 novembre 2016

Les confidences de Théophile

Les entretiens du dimanche
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Les confidences de Théophile

Ce dimanche-là, le temps était maussade; il faisait froid. Candide avait probablement dû renoncer à son vélo car elle était en retard. Théophile avait passé une mauvaise nuit, réveillé par sa maladie; il avait eu du mal à se rendormir, ce qui est exceptionnel pour lui.

Et ce matin, son ami Louis l'a appelé au téléphone. La journée d'hier avait été pénible pour Louis; son épouse est atteinte d'une maladie dégénérative, et depuis quelques jours, elle refuse de s'alimenter, chaque repas vire à la bagarre pour lui faire prendre un peu de nourriture. Il est très fatigué. Et puis, sa santé s'est dégradée, et les médecins envisagent une opération exigeant une longue convalescence, et tout effort physique lui étant interdit pendant celle-ci. Qui allait s'occuper de son épouse? Comment allait-il assurer les occupations quotidiennes? Comment s'organiser? Louis est résolument opposé à l'idée de mettre son épouse en maison de santé ou d'accueil, car il a vécu une expérience peu rassurante avec son frère, aujourd'hui décédé.

Théophile savait que son ami souffrait d'une mise à l'écart quasi générale et que c'est une  grande souffrance que de se savoir ainsi abandonné, même si ses pairs lui affirment qu'ils prient pour lui et son épouse … mais par l'entremise d'une carte postale annuelle. Il a même était exclus de tout groupe, bien qu'il accepte à regret cette exclusion sachant qu'il ne lui est pas possible de se rendre aux réunions; "on" aurait pu le lui apprendre par un appel téléphonique!  Ce n'est pas que de prières dont ils ont besoin tous les deux, mais de chaleur et de présence humaine. Ah! Où sont-ils tous ceux qui lui donnaient du Louis notre diacre, long comme le bras, et qui ont disparu subitement quand le successeur du prêtre que Louis aimait tant l'a <viré>?

Ordonné diacre deux ans après son arrivée, venant d'un autre diocèse où il avait commencé le cheminement commun à tous les futurs diacres, il avait été accueilli fraîchement, sauf par le prêtre qu'il connaissait; d'ailleurs, Louis avait toujours du mal à maîtriser une vive émotion à l'évocation de cet homme, un pasteur toujours disponible. Louis disait que ce prêtre avait été pour lui un guide et un exemple, un prêtre à l'image du saint curé d'Ars. Hélas pour Louis! ses propres soucis de santé, et ceux de son épouse handicapée, l'avaient contraint à demander à son évêque de mettre un terme à toute mission en Église.

Il n'était pas "politiquement correct" de par son originalité. Il était revenu en Bourgogne après une longue absence due à ses études, achevées pourtant à ses 24 ans, son service militaire plutôt long à cause des événements (3 ans), et un tour de France pour sa carrière professionnelle. Pour beaucoup de gens à l'esprit étroit, il était comme un étranger; on avait même été jusqu’à le traiter d'immigré! Et puis, une homélie percutante n'avait rien arrangé. Depuis, Louis vivait dans l'isolement, aggravé par l'évolution de la maladie de son épouse, très handicapée, incapable de marcher, dont il fallait parfois s'occuper comme d'un enfant; il lui consacre tout son temps. Louis est de plus en plus fatigué, voire épuisé certains jours. Quelquefois, sa thyroïde lui joue des tours; alors, il est irritable, et sa situation domestique lui pèse et le désespère. Heureusement que leurs enfants sont pour eux deux un soutien, mais leur vie familiale et professionnelle les tient éloignés.

Théophile en était là de ses réflexions quand Candide arriva. Fine observatrice, elle vit que Théophile était morose.
-"Comment vas-tu, mon ami? Qu'est-ce qui ne va pas?"
-"Tout." Et Théo lui fit part de ses propres soucis personnels, de son découragement, de ses craintes à cause de sa santé, de la tristesse parfois insupportable de leur existence, à lui et son épouse. Il lui fit part de l'appel de son ami Louis. Il dit à Candide combien il se reconnaissait dans l'épreuve vécue par son ami! Comme il comprenait son ami Louis! Quel secours lui apporter? Quelles paroles vivifiantes lui dire? Comment l'aider à continuer à se battre, pour son épouse mais pour lui aussi? Louis vit un diaconat familial, un service au sens le plus noble du terme. Théophile sait que Louis prie le Père, le Fils, qu'il appelle l'Esprit Saint à son secours, qu'il implore la Vierge Marie, qu'il se confie à sainte Élisabeth de la Trinité, comme il le fait, lui, Théophile. Il lutte pour ne pas se replier sur lui-même; jusqu'à quand tiendra-t-il?
         "Où sont-ils tous ceux qui parlent de charité, de fraternité? Où sont-ils? Que de tiédeur dans leur foi! Où sont-ils, tous ceux qui parlent de miséricorde? Et dire qu'on n'a pas cessé de nous rappeler que nous étions dans l'année de la miséricorde! Miséricorde de Dieu, certes, mais où est celle de ceux qui n'ont pas arrêté d'en parler sans trop se fatiguer pour la mettre en pratique?.... Que d'amertume en moi! Que de doutes m'assaillent!
Je suis découragé, mais je ne pense pas exagérer dans la présentation de ce que je vis."
Un long silence suivit ces paroles de découragement, de regret, de désespérance.
-"Candide, je te demande pardon, mais je n'ai pas pu préparer notre entretien de ce dimanche, dont le sujet portait sur la chronologie des écrits néotestamentaires."
-"Tu es pardonné…ce sera pour une autre fois… Que puis-je faire pour toi? Je veux tellement t'aider dans cette mauvaise passe."
et ils parlèrent, à bâton rompu, de tout et de rien…
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Proposition de méditation
Rm 10,9-18
09 Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé.
10 Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut.
11 En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte.
12 Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent.
13 En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
14 Or, comment l’invoquer, si on n’a pas mis sa foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui, si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ?
15 Comment proclamer sans être envoyé ? Il est écrit : Comme ils sont beaux, les pas des messagers qui annoncent les bonnes nouvelles!
16 Et pourtant, tous n’ont pas obéi à la Bonne Nouvelle. Isaïe demande en effet : Qui a cru, Seigneur, en nous entendant parler ?
17 Or la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ.
18 Alors, je pose la question : n’aurait-on pas entendu ? Mais si, bien sûr ! Un psaume le dit : Sur toute la terre se répand leur message, et leurs paroles, jusqu’aux limites du monde.

Notes :
v.9 : A l’adhésion intérieure du “ cœur ”, correspond la profession de foi extérieure telle qu’elle a lieu au baptême.
v.14 : L’argumentation, qui tire parti de l’Ecriture, est claire : si Israël dans son ensemble n’invoque pas en fait le nom du Seigneur, c’est qu’il s’est montré rebelle à la lumière qui lui a été proposée.
v.18 : la voix est celle des prédicateurs de l’Evangile.
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Prochain texte
La chronologie des textes du Nouveau Testament
le 11 décembre
si Dieu le permet.
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse theophile21@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

le 30 novembre 2016

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