samedi 5 novembre 2016

Esquisse pour un portait de Jésus

Les entretiens du dimanche
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Esquisse pour un portrait de Jésus


Résumé des chapitres précédents
Candide est une jeune femme en recherche de spiritualité; elle s'est adressée à son ami Théophile, diacre permanent, qui a accepté de l'aider. Ils se retrouvent chaque dimanche pour un entretien, auquel un invité peut se joindre. Ainsi nous avons fait la connaissance de François, moine franciscain, et de Louis diacre permanent. Leurs entretiens ont porté sur Candide et Théophile [1], l'amour et la patience de Dieu [2], la foi [3], et ils ont entrepris de présenter Jésus [5 et 6] et les quatre évangélistes [7].Un chapitre a été consacré exceptionnellement à la canonisation d'Élisabeth de la Trinité [4].
Les nombres n entre [n] indiquent le numéro du chapitre concerné déjà paru.
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Le Père Stanislas et Théophile avait décidé de faire le point des sujets évoqués lors des entretiens précédents. Ils étaient d'avis de présenter Jésus de façon plus humaine dans un premier temps, entendant par là qu'il fallait donner des exemples visant à cerner d'un peu plus près sa personnalité: une sélection non exhaustive bien évidement de ses actes et de ses paroles serviraient de points de départ d'un enseignement propre à donner à Candide l'envie d'approfondir sa recherche. Rappelons-nous la fin de l'entretien de dimanche dernier:
- "Une dernière question, Théo! avait demandé Candide. Tous les évangiles ont été sans doute écrits peu de temps après la mort de Jésus, n'est-ce pas?"
- "Non, Candide, avait répondu Théo.  Les historiens modernes en sont de moins en moins certains, et même ils ne sont plus sûrs de l'identité de ceux qui les ont écrits!…. nous verrons tout cela dimanche prochain.?"

Le Père Stanislas craignait que Théo ne s'enlise dans des propos trop théoriques. Théo pensait de même, aussi il suivit le conseil du Père. Par politesse, il informa Candide du changement de programme; elle avait confiance en son ami, et savait que c'était pour elle qu'il en était ainsi; elle accepta cette modification du programme.

Le dimanche arriva. Candide était seule.
- "Bonjour Père, bonjour Théo. Si j'ai bien compris, vous souhaitez me montrer Jésus, parlant, agissant? C'est bien ça,"
- "Oui, répondit Théo. Enfin, nous espérons ainsi te faire progresser dans ta recherche spirituelle."
- «  Théo a raison, reprit le Père Stanislas, dans un premier temps, nous avons l’espoir d'esquisser un portrait assez proche de la réalité pour un personnage aussi complexe, qui sut être généreux, audacieux au point de braver les interdits de la société (il mange  avec les prostituées et avec les publicains généralement haïs par le peuple), il ne juge pas (la pécheresse pardonnée chez Luc), excellent orateur, pédagogue (les paraboles), dur, compatissant (nombreuses guérisons, même pour des non-juifs comme le fils du centurion ou la fille de  la femme syro-phénicienne, vrai homme qui a connu la faim et la fatigue, exigeant, prônant l’amour des ennemis, quelquefois violent ! »
- « Violent ? Oh ! C’est impossible, s’insurgea Candide »
- « Mais si, comme au Temple, quand Jésus renversa les étalages des marchands. Écoutez cela, Candide :
"Jésus entra dans le Temple et chassa tous les vendeurs et acheteurs qui s'y trouvaient : il culbuta les tables des changeurs, ainsi que les sièges des marchands de colombes. Et il leur dit : «Il est écrit :Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites un repaire de brigands!" [Mt 21,12-13]
- "En effet, dit Candide, tout étonnée. Quelle violence!
- Le Père poursuivit : "Jésus a agi ainsi parce que le commerce mercantile prenait le pas sur le religieux: le Temple, maison de Dieu, était en quelque sorte profané. Pour Jésus, cela était intolérable."
- "Oui, je comprends. Sa colère était justifiée."
- "Candide, tu as raison, intervint Théophile. Jésus était certainement un homme calme, ferme dans ses convictions, pénétré de sa mission divine. C'est Matthieu qui évoque cet aspect de la personnalité de Jésus. Je cite de mémoire : <Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai… Je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes.> [Mt 11,28.29b]"
- "Il faut vraiment aimer les gens pour parler ainsi, n'est-ce pas Père, murmura Candide, toute pensive"
- "Oh oui! Jésus a délivré un message d'amour. Entendons-nous bien, amour du plus haut degré"
- "Je ne comprends pas bien."
- "Dans notre société actuelle, libérée a-t-on coutume de dire, mais libérée de quoi  se demande-t-on,  on ferme les yeux devant la misère et on se bouche les oreilles aux cris de ceux qui sont violentés de multiples façons dans le monde. Cette libération a provoqué la dégradation de la notion d'amour. Qu'est-ce que l'amour?
Voilà ce que pensaient les grecs anciens.
Notre langue française, si riche de nuances, est étonnamment bien pauvre quand il s’agit du mot aimer. Aimer quelqu'un, aimer le chocolat, c’est le même verbe ; pour nuancer, il faut utiliser des mots de compléments comme « j’aime bien » , etc.
Il semble que l’hébreux ait connu les mêmes difficultés.
C’est le grec qui va établir un distinguo intéressant et porteur de sens. Reportons-nous au passage de l'évangile de saint Jean, au chapitre 21 (versets 15 à 19), où Jésus demande à Pierre : « M’aimes-tu ? ».
L’amour dont parle ici Jésus est celui qui donne tout à celui ou celle qui est aimé. C’est un amour qui ira jusqu’à donner sa vie pour l’autre, s’il le faut. C’est l’agapè. L'agapè, c’est aussi l’amour divin qui nous est donné au baptême: ce que nous recevons est la capacité d’aimer comme Dieu. Vous verrez plus tard, chère Candide,  que Dieu s'est donné tout entier par amour de sa création. Dans la tradition chrétienne des Pères de l'Église, ce mot est assimilé au concept de charité, quoique celui-ci s'apparente aujourd'hui à une relation matérielle établie avec des personnes en souffrance. On peut déplorer que la solidarité remplace de plus en plus la charité, car en la charité il y a beaucoup plus que dans la solidarité.
La langue grecque antique va plus loin encore dans la subtilité. Elle distingue trois autres nuances: en premier, la philia, l'amitié telle qu'on l'entend aujourd'hui, C'est une forte estime réciproque entre deux personnes de statuts sociaux proches. Elle ne pouvait exister à l'époque qu'entre deux personnes du même sexe. Puis vient en deuxième, l'éros qui désigne l'attirance sexuelle, le désir, incluant les déviances possibles. Enfin en troisième vient la storgê qui décrit l’amour familial, comme par exemple l'affection d’un père et d'une mère pour leur enfant.
- "Père Stanislas, il me faudra bien toute la semaine qui vient pour saisir le sens profond de vos propos, remarqua Candide."
- "Une semaine? Oh bien plus … toute ta vie peut-être."
- "Théo, mon ami, tu es décourageant!"
- "Non, Candide, c'est ce que la vie de tous les jours nous fait connaître. Il y a en chacun de nous une contradiction, une lutte entre le bien et le mal. Saint Paul, d'abord persécuteur de Jésus puis son plus grand et plus fécond propagandiste, l'a écrit dans sa lettre aux Romains [Rm 7,14a.18-19]
… moi je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché. … Car je sais que nul bien n'habite en moi, je veux dire dans ma chair; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir  …  puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas.  - " Vous reste-t-il quelques bonnes paroles de Jésus à me donner, pour mes moments de méditation à venir? demanda timidement Candide"
- "Pas de problème, dit Théo avec un petit sourire moqueur. Par exemple, ce court passage de l'évangile de saint Luc [Lc 6,35-38]:
Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous.
Et encore, un autre texte…."
- "Pitié, Théo! Je ne prépare pas une thèse en théologie!"

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Proposition de méditation

32e dimanche du Temps ordinaire (année C)

Évangile selon saint Luc 20,27-38

27 Quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus

28 et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère.
29 Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ;
30 de même le deuxième,
31 puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
32 Finalement la femme mourut aussi.
33 Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
34 Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
35 Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari,
36 car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection.
37 Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.
38 Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »

De la fête de Toussaint jusqu'à celle du Christ-Roi, la liturgie de ce mois de novembre tourne nos yeux vers l’au-delà de cette vie terrestre, vers la vie éternelle, la vie en Dieu. Les trois lectures de ce dimanche viennent nourrir notre foi et soutenir notre espérance. Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais celui des vivants ! La controverse entre les Sadducéens et Jésus dans l’évangile nous montre, pour sa part, combien la foi en la résurrection n’était pas acquise et qu’elle faisait même l’objet de moqueries déplacées. C'est toujours d'actualité!
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Illustrations
- La résurrection (Maître de Grünwald)
- Images d'évangiles
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Les citations de la Bible:
Mt 21,12-13 ; Mt 11,28.29b ; Rm 7,14a.18-19 ; Lc 6,35-38.
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse theophile21@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

dimanche 6 novembre  2016

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