samedi 10 décembre 2016

Chronologie des écrits du Nouveau Testament

Les entretiens du dimanche
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Chronologie des écrits du Nouveau Testament

On approchait de la Noël, car la période de l'Avent était commencée. Il faisait très froid depuis quelques jours, et Théophile était très étonné que Candide ne donne aucun signe de vie, elle qui avait toujours des questions en tête. Aussi avait-il téléphoné à son amie pour prendre des nouvelles, et la pauvre Candide lui avait appris, d'une petite voix, qu'elle avait la grippe et qu'elle ne pourrait se rendre au prochain entretien. Théophile, peiné, lui avait souhaité un rapide rétablissement.
Décidément, l'épidémie de grippe commençait à sévir. L'épouse de Théophile avait dû s'aliter car elle avait attrapé la grippe, elle aussi, et une personne d'aide aux handicapés la gardait. Aussi, après la messe du dimanche où le frère François avait assisté le Père Stanislas, Théophile était libre. C'est alors que le Père Stanislas avait proposé à Théophile de se joindre au repas; Théophile avait accepté avec joie, d'autant que François était de la partie.
Après un repas frugal, nos trois amis prenaient un café bien mérité, quand frère François s'enquit du sujet que Théophile aurait abordé avec Candide. Il s'agissait de la chronologie des écrits du Nouveau Testament.
-"Théo, demanda frère François, peux-tu nous en dire quelques mots?"
- "Bien sûr. Judas était mort de façon tragique, quelques heures après avoir livré son maître. Jacques, frère de Jean, l'un des Douze, trouva la mort en 43 ou 44, au cours d'une persécution menée contre l'Église par le roi Hérode Agrippa Ier (Ac 12,1-2). À mesure que les années passaient, les compagnons de Jésus disparaissaient les uns après les autres. Les témoins directs se faisaient plus rares, et l'on voyait venir le temps où plus un seul ne serait là pour garantir la tradition remontant à Jésus. Le retour tant espéré de Jésus dans sa gloire devenait de plus en plus problématique. Tout cela joua un rôle non négligeable dans l'idée qui se fit jour de rédiger les textes que nous appelons évangiles."
-" Je t'arrête, intervint le Père Stanislas. il s'agissait alors de consigner les faits et gestes, et l'enseignement de Jésus. Beaucoup se mirent à la tâche. On ne peut donc pas parler d'évangiles, tels que nous les connaissons aujourd'hui."
-" Oui, je suis allé un peu vite dans la manière de m'exprimer, répondit Théophile. D'ailleurs, cela vaut aussi pour les autres textes du Nouveau Testament."
-"Sauf peut-être pour les lettres de saint Paul. <Peut-être> est de trop, je pense, dit frère François. Je suis sûr qu'on ne peut pas douter que ce soit Paul qui ait écrit les textes qu'on lui attribue. En fait, ce sont les textes que les spécialistes reconnaissent comme écrits en premier. Les voyages de Paul s'étendent des années 44 à 67, 67 étant l'année de son exécution à Rome.
Si vous le voulez bien, je vous donne des détails?"
- "Volontiers, dirent d'un même accord, le Père Stanislas et Théophile."

Paul de Tarse

- "Donc, Paul a écrit les lettres aux Thessaloniciens entre 50 et 52. Suivirent en 57, la lettre aux Philippiens et les deux épitres aux Corinthiens. Entre 58 et 60, il écrivit la lettre aux Galates et la lettre aux Romains, qui furent suivies des lettres aux Colossiens, Éphésiens et à Philémon en 63, et enfin des quatre derniers textes en 67, j'ai nommé la lettre à Tite, aux Hébreux, et les deux à Timothée."
- "Et bien! quelle mémoire, quelle érudition, mon cher François, ne put s'empêcher de reconnaître le Père Stanislas. À mon tour de faire preuve d'un manque de modestie, en ajoutant quelques autres dates: entre 58 et 60 se situe la lettre de saint Jacques, suivi de la première épître de Pierre en 63, de Jude et de la deuxième lettre de Pierre entre 80 et 90. "
- Théophile, muet jusque là, sortit de son silence ébahi: "et les évangiles, dans tout cela ? J'ai entendu dire que l'évangile de Marc aurait été rendu publique en l'année 70 !"
- "Bonne remarque, dit frère François, car pour les Évangiles on annonce les années 80 pour ceux de Luc et de Matthieu, et 90 pour Jean. Les actes des apôtres auraient été écrits en 80, l'Apocalypse et les lettres de Jean en 95 !"
-" En effet, intervint le Père Stanislas, les dates retenues pour les Évangiles sont très tardives par rapport aux autres écrits."
-Théophile se tourna vers le Père: "Comment peut-on expliquer ce décalage ?"
- "Il y eut bien un moment dans l'histoire des évangiles où se fit le passage de l'oral à l'écrit, mais les circonstances de composition et le contenu des premiers recueils se perdent dans le dédale des hypothèses. Certains biblistes font remonter très haut dans le temps les premiers textes rédigés ; d'autres, au contraire, considèrent que tout le matériau évangélique se transmit par oral, pratiquement jusqu'à la rédaction du premier évangile, celui de Marc, dans les années 65-70 de notre ère. La vérité est sans doute à situer quelque part entre ces deux extrêmes.
Ce qui est quasiment sûr, c'est que les premiers écrits chrétiens officiels ne furent pas des évangiles, même fragmentaires, mais des épîtres. Aucune d'entre elles ne fait la moindre allusion à un quelconque écrit sur Jésus qui aurait fait autorité dans les communautés chrétiennes. Si donc, des collections de récits ou des recueils de paroles évangéliques existaient dans ces années-là sous forme écrite, ils n'avaient aucun caractère officiel et étaient tout au plus des aide-mémoire.
Dans les années 50-60 pour faire face à l'augmentation du nombre des fidèles et à la naissance de nouveaux foyers de christianisme, l'Église eut besoin de textes qui favorisaient l'unité de pratique entre des lieux souvent assez éloignés les uns des autres ; par exemple des recueils de miracles ou de paroles de Jésus sur un sujet donné, dans lesquels on pouvait puiser pour la catéchèse ; ou encore des regroupements de controverses sur le sabbat ou d'autres points de la loi de Moïse qui servaient dans la polémique avec les Juifs restés hostiles au courant chrétien.
Dans ce passage à l'écrit, la liturgie joua sans doute un rôle non négligeable. À côté des Écritures juives utilisées pour les célébrations, des textes liturgiques chrétiens eurent assez tôt leur place : chants, hymnes, mais aussi récits liés aux grandes fêtes de l'année chrétienne dont le calendrier se constituait progressivement. La Pâque occupait la toute première place, ce qui explique que les récits de la Passion et de la Résurrection soient à compter parmi les plus anciens fragments d'évangiles rédigés. Ainsi fixés, ils pouvaient aussi être mieux communiqués d'une Église à l'autre.
On peut aussi partir des quatre évangiles achevés tels que nous les trouvons dans nos bibles. Leurs divergences existent. Mais leurs ressemblances sont parfois telles qu'on est amené, pour en rendre compte, à faire l'hypothèse de sources écrites dans lesquelles les rédacteurs auraient puisé. Aucune de ces sources ne nous est parvenue ; aussi, différentes tentatives ont-elles été faites pour en déterminer la nature et le contenu. Ces essais fort variés sont habituellement appelés “hypothèses documentaires ”, parce que faisant appel à des documents hypothétiques plus ou moins nombreux.
La plus classique, mise au point en 1832 par le bibliste allemand Friedrich Schleiermacher, est connue sous le nom de “ théorie des deux sources”. Elle suppose que les évangélistes Matthieu et Luc auraient tous deux utilisé comme source, d'une part l'évangile de Marc, antérieur au leur, d'autre part un document hypothétique, actuellement perdu, regroupant essentiellement des paroles prononcées par Jésus, qui reçut le nom de “ source des logia (du mot grec logion qui signifie “ oracle ”), ou plus simplement de “ source Q ” (Q étant la première lettre du terme allemand Quelle qui veut dire “ source ”). Le document Q serait à l'origine de nombreux passages communs aux évangiles de Matthieu et de Luc, et absents de Marc. Cette hypothèse, vieille d'un siècle et demi, ne rend pas tout à fait compte de la complexité des ressemblances et des différences entre les quatre évangiles canoniques. Aussi a-t-on été amené, particulièrement en milieu francophone, à proposer d'autres schémas, mettant en jeu d'autres documents sources, parfois fort nombreux (jusqu'à six ou sept), mais toujours aussi hypothétiques. Tous ces essais sont intéressants car ils partent d'observations, souvent très fines, sur le texte évangélique, mais aucun ne s'impose dans ses résultats. On ne sort pas du registre des hypothèses.
Dans l'état actuel de la recherche, force est alors de reconnaître que la nature et le contenu des recueils évangéliques écrits, antérieurs aux évangiles achevés dont nous possédons le texte, restent mal connus. Il est raisonnable de supposer l'existence de tels recueils comme transition entre la transmission purement orale des débuts de l'Église et les évangiles rédigés dans leur état final, mais il est difficile d'être plus affirmatif.
-" Ainsi, ajouta Théophile qui avait préparé l'entretien prévu avec Candide, nous ne possédons des évangélistes aucun manuscrit autographe. Matthieu, Marc, Luc et Jean n'ont d'ailleurs peut-être jamais écrit leurs oeuvres de leur propre main car, dans l'Antiquité, on dictait souvent ses discours ou sa correspondance à un scribe professionnel.
Le fait que nous ne possédons pas les manuscrits originaux des évangiles n'a rien d'extraordinaire. Il est commun à tous les écrits de l'Antiquité rédigés sur un support fragile : papyrus ou parchemin. Les manuscrits évangéliques en notre possession sont des copies de copies. Les plus anciens sont écrits sur papyrus, moins cher que le parchemin
-" C'est exact, confirma frère François; mon ami, je pense que tu aurais intéressé Candide; souhaites-lui un rapide rétablissement, et ajoutes que je serai heureux de la revoir, car c'est une jeune femme qui manifeste beaucoup d'intérêt pour les racines de notre religion. Sur ce, je vous quitte; je retourne au monastère."
-"Au revoir, ami, dirent ensemble le Père Stanislas et Théophile."
Ils se séparèrent en se souhaitant une bonne fin de journée.

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Proposition de méditation
L'Avent
Nous venons de recommencer le cycle liturgique de trois années, qui dispense un enseignement de base pour tout chrétien qui le suit avec assiduité, et qui fortifie sa foi s’il prend le temps de la méditation et de la prière.
Chaque année liturgique débute par le temps de l’Avent. C’est un temps de conversion. Mais c’est aussi un temps de renforcement de la foi de chacun et de celle de l’Église, et un temps d’attente, comme le dit le prophète Isaïe : « Soyez forts, ne craignez pas, voici votre Dieu. »
C’est enfin un temps d’espérance : « Que soient pleins d’allégresse désert et terre aride, que la steppe fleurisse. » Laissons-nous imprégner un instant de la poésie qui naît de l’opposition de ces extrêmes.
Toute la création entre dans l’allégresse, parce que le Sauveur de notre monde vient. Nos yeux doivent s’ouvrir, nos oreilles doivent entendre, nous devons cesser de boiter. Certes cela ne se fera pas en un jour, et la courte durée du temps de l’Avent n’y suffira pas ; il faudra y mettre beaucoup de persévérance et de patience, et à cet égard méditons l’image employée par l’Apôtre Jacques : « Voyez le laboureur : il attend patiemment le précieux fruit de la terre. »
Ne rien bousculer, n’être pas comme ceux qui aujourd’hui veulent tout, tout de suite, car alors l’insatisfaction vient vite et un autre objet de convoitise vient remplacer celui qui vient d’être obtenu. Il faut être patient pour construire du solide, pour affermir ce que la prière, l’écoute et l’étude de la Parole de Dieu produiront comme fruits.
Nous croyons en un Dieu qui est vérité, qui est justice, qui est miséricorde. Le psaume de ce jour 146 (145) nous présente Dieu actif en ce monde, Dieu qui nous indique la voie dans laquelle nous engager pour le rencontrer. C’est un Dieu qui « rend justice aux opprimés, donne aux affamés du pain,  délie les enchaînés. Il rend la vue aux aveugles, il redresse les courbés, Il aime les justes, Il protège l'étranger, Il soutient l'orphelin et la veuve. »
Le temps de l’Avent n’incite donc ni à la passivité, ni à l’introspection inactive ; bien au contraire. Et l’évangile de ce troisième dimanche illustre ce que doit être notre recherche. Il attire d’abord notre attention sur les signes qui annoncent la présence du Royaume de Dieu, et sur ce qu’il convient d’appeler les pauvres en donnant à ce mot un sens qu’il ne faut pas limiter au seul aspect matériel, mais qui inclut le côté spirituel et moral de l’être humain. Enfin, le Christ nous donne Jean comme modèle.
Que nous apprend d’abord l’évangile ? Jean est en prison, alors que Jésus a commencé sa vie publique, avec quelque difficulté il est vrai ; les habitants de Nazareth, après lui avoir fait bon accueil, ont fini par se retourner contre lui avec violence (Lc 4,28). Dans sa prison, le prophète s’interroge : qui est cet homme qui accomplit des miracles ? Est-il celui dont il avait reçu mission de préparer le chemin? Jean Baptiste est-il pris d'un doute au sujet de Jésus ? On ne sait pas. À moins qu'il ne demande à Jésus, qui semble bien le comprendre ainsi, une parole qui confirme la réussite de sa mission et qui illuminera les derniers moments de sa vie.  Et Jésus lui renvoie la parole du prophète Isaïe: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
Les pauvres. Au sens des Béatitudes, ils sont nombreux aujourd’hui. Le ministère diaconal nous fait approcher des détresses provoquées par l’avenir incertain, par la solitude qui touche maintenant de plus en plus de jeunes, par le sentiment d’inutilité qui frappe certains dans notre société mondialisée où ceux qui n’ont pas assez d’efficacité ou d’intérêt commercial sont marginalisés et rejetés, je pense ainsi aux personnes âgées et aux handicapés ; il y a aussi tous ceux qu’inquiètent d'une insécurité grandissantes dans les villes et villages (agressions, violences, incivilités, arnaques, brutalités envers les faibles et les vieux, terrorisme, …) dont les médias se complaisent à nous parler. Inévitablement, l’angoisse du lendemain vient saisir tous ces pauvres; souvent, par pudeur ou par fierté, ils vont rester discrets sur leur misère. Ils se privent ainsi de la charité fraternelle de ceux qui ont à leur dire qu’ils sont importants, que Dieu suscite des bonnes volontés qui les aideront car cette charité est une pratique de justice qui plaît à Dieu (cf.Mt 6,2-4). Leurs prières montrent que ces pauvres attendent quelqu'un qui sera avec eux, qui entrera dans une relation de confiance mutuelle avec eux, qui marchera avec eux, et surtout leur révélera leur dignité et qu'ils sont les enfants précieux du Père. Ils ont besoin que quelqu’un leur redonne la force de repartir dans la vie. Mais les âmes charitables sont peu nombreuses, hélas!
C’est pourquoi le Christ désigne Jean-Baptiste à notre attention et il nous recommande de nous mettre à son école : école d'humilité, de sens de Dieu, d'abnégation et de joie (Jn 3,29). Ce ne sont pas nos mérites personnels qui comptent, mais la manière dont nous sommes disciples du Christ. Ce qui est le plus précieux en nous, c'est notre coeur ; notre tête et nos mains n'ont de valeur que dans la mesure où ils sont au service de l'amour et de la relation fondée sur une alliance, jaillissant de l'alliance avec Jésus. Par le baptême, accompli dans une vie de charité, nous sommes entrés dans le Royaume de Dieu, parce que la miséricorde de Dieu est immense, si petits soyons-nous et si faible soit notre foi.
Il est temps de conclure. Qui mieux que l’évangéliste Matthieu pourrait nous faire comprendre ce que Dieu attend de nous :
«Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement» (Mt 10,8). …
C'est à ce qu'ils auront fait pour les pauvres que Jésus Christ reconnaîtra ses élus (cf. Mt 25,31-36).                                                                                    

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Prochain texte
Un Sauveur nous est donné
le 18 décembre
si Dieu le permet.
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Illustration
Rembrandt : Paul de Tarse
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

Le 11 décembre 2016

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