dimanche 5 février 2017

Visite de Bethléem

Les entretiens du dimanche
21

En visite à Bethléem

Nota: pour des raisons techniques que j'ignorent, les photos annoncées n'ont pas pu être insérées dans ce texte.
Elles figurent dans le blog 21A intitulé:
Photos de Bethléem.
Je vous demande de bien vouloir m'excuser pour cette difficulté indépendante de ma volonté.

“ Et Toi Bethléem, terre de Juda,
tu n'es certes pas la moindre des cités de Judée,
car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon peuple. ”

Chose promise, chose due. Ce dimanche, Théophile racontera à Candide ce qu'il a retenu de ses deux pèlerinages en Israël, il y a déjà plus de dix ans! Il lui dira à quel point il a été marqué dans sa compréhension de l'enseignement de Jésus par les lieux où le Christ est passé bien avant lui. Son ami Louis qui a participé à ces deux pèlerinages interviendra sûrement. Mais, chut! Voici Candide.

-"Bonjour, Théo! Ah! mais c'est Louis! Bonjour, je suis heureuse de vous revoir."
-"Moi aussi, chère Candide. Théo m'a invité à votre entretien dominical, car j'étais avec lui au cours de ces deux pèlerinages."
-"Oui Candide, car tu sais que Louis et moi sommes relativement voisins puisqu'il habite dans la grande ville des Ducs et moi, comme toi, dans un charmant village bourguignon au milieu d'un océan de vignes!"
-"Et bien, dis-donc! Te voilà devenu poète? Un océan de vignes!!!! Rien que ça !!!!"
-"Mais non. C'est pour faire joli!"

-"Théo, tu nous parle un peu de Bethléem ou tu continues à rêver?"
-"Soit. D'abord, il faut te présenter la Bethléem d'aujourd'hui, qui n'a rien à voir avec la bourgade du temps de Jésus.
Bethléem est une ville située en Cisjordanie, à 10 km au sud de Jérusalem, Bethléem compte un peu plus de 25 000 habitants presque tous Palestiniens musulmans. Une petite communauté chrétienne y réside. Elle est le chef-lieu d'une région administrative qui compte 200 000 habitants environ, et qui est administrée par l'Autorité palestinienne depuis 1995.
Cette ville est un important centre religieux. Le nom de la ville signifie "La Maison du pain" (Beit laham). La tradition juive, qui l'appelle aussi Éphrata, en fait le lieu de naissance et de couronnement du roi David, mais c'est surtout le lieu de naissance de Jésus. Elle est également le siège d'un lieu saint du judaïsme, le tombeau de la femme de Jacob, Rachel, dont nous avons déjà parlé [Gn 35,19].
Dans la campagne à quelques kilomètres de Bethléem, les Franciscains ont acquis une propriété près des ruines d'un monastère byzantin, appelée "Champ des bergers". On y évoque l'annonce aux bergers [Lc 2,8-18]. Je t'en parlerais plus loin.

Vers le milieu du 8e s. av. J.C., le prophète Michée annonça à Bethléem sa gloire à venir: “ Toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c'est de toi que je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël.[Mi 5,1].
Voilà. J'ai résumé la présentation historique et économique de Bethléem pour en venir à l'essentiel de notre entretien. Il y a ici deux hauts lieux du christianisme: le champ des bergers, et la basilique de la Nativité.
Louis approuva sans réserve cette courte mais essentielle présentation. Il demanda à Candide: "Pas de question?" car il avait remarqué que Candide avait écrit une courte note: "Non, continue Théo. Quelque chose me chagrine … non, ou plutôt : m'étonne serait plus juste. Mais on verra cela plus tard."

-Théo poursuivit donc son exposé: "Lors de nos pèlerinages, nous sommes allés d'abord au lieu-dit <le champ des bergers>, pour une simple raison de commodité: célébrer la messe du jour.
Le champ des bergers se situe à 4 km à l'ouest de la basilique de la Nativité. Ce lieu de pèlerinage est lié à la Nativité. C'est là que l'Ange apparut aux bergers pour leur annoncer la Bonne Nouvelle de la naissance du Sauveur [Lc 2,10]. L'endroit a été aménagé pour y recevoir des pèlerins, mais il n'y a pas grand-chose à y voir. C'est un lieu où on se recueille, où on célèbre la messe si les pèlerins le souhaitent. On a une vue, en contrebas, sur une zone assez aride, que les Israéliens colonisent."

Candide interrompit Théophile: "Avez-vous conservé les homélies prononcées au cours des messes, ou d'autres documents?"
En réponse à cette demande, Louis sortit de son sac une liasse de papiers: "Vos désirs sont exaucés, chère Candide. Enfin …. Presque exaucés, car Théo et moi avons égaré quelques documents. Il y a d'ailleurs quelques cérémonies que nous n'avons pas enregistrées faute de temps car un pèlerinage est souvent un voyage sans grands temps morts."
-"Génial", ne put s'empêcher de s'exclamer Candide. On peut lire maintenant ce que vous avez retenu du champ des bergers?"
-"Certainement. Voici: au cours de la messe au champ des bergers, deux textes du Nouveau Testament furent lus: Tite 2,11-14 puis Luc 2,6-11.
Tite d'abord. C'est une série de conseils pour diverses catégories de chrétiens dans l'attente du Christ:
11 Car la grâce de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes. 12 C'est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d'ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, 13 et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur 14 car il s'est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
6 Or, pendant qu'ils étaient là, arrivèrent les jours où elle [Marie] devait enfanter.  7 Et elle mit au monde son fils premier-né; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
8 Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. 9 L'ange du Seigneur s'approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte, 10 mais l'ange leur dit: “ Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple: 11 aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur.

Prenant un temps de silence, nous avons médité sur La Nativité: opposant la “ pauvreté ” de Dieu à "l'orgueil" des hommes. Chacun des pèlerins médita en silence. Hélas! Théo et moi n'avons pas noté plus tard le contenu de notre méditation personnelle."
-"Dommage. Peut-être pourrions-nous revenir sur ce sujet une autre fois? N'est-ce pas Théo?"
-"euh! … oui, bien sûr" bredouilla-t-il, car Candide venait de le sortir de sa rêverie sur ces instants passés au champ des bergers.

-"De toute façon, reprit Louis, la grâce, miséricorde efficace de Dieu, et sa bonté, son amour des hommes, ont fait leur apparition avec la venue sur Terre de Jésus. Cette apparition prélude à la gloire du Seigneur quand Jésus-Christ reviendra à la fin  des temps. Dans l'épître à Tite, saint Paul explique dans un exposé très dense l'œuvre du salut, ses effets et ses exigences. À noter que la liturgie de Noël utilise ces deux passages. En outre, saint Paul, au verset  13, affirme très nettement la divinité du Christ. On remarquera que le Sauveur est nommé aussi le grand Dieu.
Dans le verset 15 qui n'a pas été lu lors de notre pèlerinage, Saint Paul ajoute ceci : « c'est ainsi que tu dois parler, exhorter, reprendre avec une autorité entière…"


-"Si je comprends bien, souligna Candide, le chrétien qui vit vraiment selon l'enseignement de Jésus, ce chrétien ne doit pas cacher son appartenance à l'Église ni taire sa foi?"
-"Oui, mais attention; il ne faut pas confondre <vivre selon sa foi> et pratiquer un prosélytisme à tout crin, qui in fine se révélera sans doute improductif, voire inacceptable et intolérable."
-"J'ajoute, dit Théophile, que Paul insiste sur l'exhortation donnée avec autorité, ce qui suppose bien évidemment qu'on sait de quoi on parle parce qu'on a approfondi l'enseignement de Jésus, ce qui suppose aussi méditation et prière, et partage en Église avec d'autres frères et soeurs chrétiens ! On ne peut pas vivre sa foi, seul dans son coin!"

-Candide ajouta: "Le passage de saint Luc que vous évoquez était incontournable en la circonstance, semble-t-il?"
Louis et Théophile acquiescèrent en silence.

-"Après le repas de midi, nous avons longuement visité la basilique de la Nativité." poursuivit Théophile. Bethléem est située sur une colline. Sur la pente nord de cette colline s'ouvrait primitivement la Grotte de la Nativité, au-dessus de laquelle fut construite la basilique.
Sur la Grotte de la Nativité authentifiée depuis le début du 2e siècle par saint Justin, sainte Hélène fit construire une basilique vers 326 (date donnée sous réserve: je n'en suis pas sûr). Située sur une petite place qui en fut l'atrium, elle garde quatre rangées de colonnes corinthiennes formant cinq nefs et des pavements de mosaïques encore visibles à une cinquantaine de centimètres sous le sol actuel. Le relèvement du niveau du sol de la basilique est de l'époque de Justinien (540) qui restaura l'édifice.

La basilique fut épargnée par les Perses en 614 qui crurent reconnaître leurs ancêtres dans les Mages représentés au fronton de la basilique et par les musulmans dont Jésus est l'un des prophètes.

Les Croisés se contentèrent de renforcer et de fortifier l'édifice. La façade ancienne a presque entièrement disparu; on y voit la baie en ogive d'une porte croisée murée par les mamelouks au XIVe siècle. Seule reste une porte basse où l'on ne passe qu'en s'inclinant humblement. On dit, mais là encore sous toute réserve, que cette porte a été construite si basse pour interdire à des cavaliers mécréants ou irrespectueux d'entrer à cheval dans la basilique!

Par des escaliers difficiles sur le côté du choeur, on descend à la Grotte: la partie appartenant aux grecs orthodoxes marque l'endroit de la naissance de Jésus par une étoile, l'autre partie appartenant aux latins marque l'endroit où Marie coucha l'enfant Jésus dans la crèche. Joseph dut enlever la nourriture des bêtes et Marie y coucha “ le Pain Vivant ” descendu du ciel.

Une porte donne accès sur tout un réseau de grottes où vécut Saint Jérôme (Vers 342-420), celui-là même qui traduisit la Bible en latin (la Vulgate). A son école le monde méditerranéen fut attiré dans son sillage et captivé par la science biblique.
-"La vulgate? s'étonna Candide.
-" C’est la traduction latine de Vulgata versio, c’est-à-dire la traduction à large diffusion de la Bible, réalisée entre 390 et 405. Il existait déjà de nombreuses traductions latines de la Bible, mais souvent inexactes, et le Pape Damase  voulait un texte faisant autorité. Jérôme y travailla 22 ans, d’abord à Rome, puis à Bethléem, d’après les textes hébreux et grecs. Au XVIe siècle, à la suite des controverses sur l’Écriture provoquées par la Réforme protestante, le concile de Trente (1545-1563) déclara la Vulgate authentique.

Pour finir, les photos que voici te donneront une idée de cet édifice." [voir le blog <Photos de Bethléem>]

-"C'est très intéressant, pensa tout haut Candide; j'espère aller un jour en Terre Sainte. Je vous vois si émus à l'évocation de votre visite à la basilique. D'où une question que j'ai notée tout à l'heure: peut-on vraiment affirmer que ce qui s'est passé à Bethléem il y a 2.000 ans s'est bien passé dans les lieux que vous m'avez décrits?"
-"Raisonnablement, la réponse est non. Les hommes d'il y a 2.000 ans n'avaient pas les mêmes préoccupations que les hommes d'aujourd'hui ni les mêmes moyens techniques de mémorisation; beaucoup d'évènements ou de paroles se transmettaient par voie orale, ce qui, nous le savons par le jeu du téléphone pratiqué par les enfants, occasionne des oublis, des interprétations, et finit par déformer la réalité, voire l'occulte définitivement.
De plus, les chrétiens ont été confrontés à l'opposition des religieux juifs qui étaient radicalement opposés à Jésus et à ses successeurs. Puis il y eut les guerres opposant Juifs et Romains, dont la destruction de Jérusalem et la dispersion des juifs furent la conséquence. Et puis les chrétiens furent persécutés pendant près de trois siècles. C'est surtout grâce à la transmission orale des évènements que l'on put situer du mieux possible les endroits où se déroulèrent les évènements du début du christianisme. Cette remarque vaut aussi pour d'autres lieux comme, par exemple, la "montagne" où Jésus prêcha son enseignement rapporté par Matthieu au chapitre 5 de son évangile: la tradition a fixé cet enseignement au mont des Béatitudes; c'est probable, la configuration du lieu se prête bien à un enseignement de masse."
Vois-tu. L'essentiel dans un pèlerinage est d'entrer en méditation sur l'enseignement de Jésus, de chercher par la prière à rencontrer Jésus, à s'en tenir à l'essentiel. Un pèlerinage ne se vit pas comme un voyage touristique."
Louis approuva son ami. Et Candide n'en fut que plus méditative!

Après quelques instants de silence, ce fut Louis qui reprit la parole pour évoquer les instants de recueillement au couvent orthodoxe de l'Emmanuel:
"À l'époque de notre premier pèlerinage, six femmes y vivaient. La mère supérieure du couvent nous parla de la vie du monastère, situé en territoire palestinien. Il semblait n'y avoir que peu de problèmes de “ cohabitation ”, comme on dit. L’église est un véritable petit bijou par sa décoration qui dispense une catéchèse merveilleuse ! Nous y avons célébré un rite de guérison, le sacrement des malades, où nous avons été marqués de l’huile des malades pour être guéris de ce qui nous éloigne de Dieu. Instants ô combien émouvants.

Le prêtre de ma paroisse qui présidait le pèlerinage nous donna un enseignement que j'ai gardé! Le voici:
Depuis notre baptême nous avons besoin d'accueillir cette guérison. Je suis toujours frappé de voir que dans la liturgie réformée du concile, on nous fait dire avant l'eucharistie: “ je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ”. Nous disons cela dans notre langue, mais est-ce que chaque fois vous ciblez ce dont vous avez besoin d'être guéri ? Imaginez quelqu'un qui va visiter un médecin et qui lui dit: “docteur je viens vous voir pour me guérir” et que le malade ajoute: “de ce que vous voudrez, peu importe”. Je pense qu’immédiatement le médecin va estimer que ce malade est atteint de troubles psychiques.
Eh bien ! avec le Seigneur nous avons un peu pris la même habitude.  Nous ne prenons pas au sérieux les paroles que nous disons, nous sommes tellement des chrétiens habitués. Alors aujourd'hui, dans cette chance que nous avons d'être dans ce monastère de l'Emmanuel, et de vivre avec l'Église d'Orient, nous allons essayer d'entrer dans cette démarche de guérison.  De voir que dans notre vie, il y a eu des blessures, il y a eu des freins à l'Esprit Saint. Alors, n'en prenez pas trop parce qu'il faut qu'il en reste pour d'autres pèlerinages!  Mais au moins, gardez-en un, voyez, ciblez bien, demandez au Seigneur de vous montrer.  Je vais vous dire une prière qui va vous étonner je pense :
“Seigneurs en ce moment, nous te présentons le point où nous en sommes, nous te présentons tout ce que nous avons vécu jusqu'à présent.  Nous te demandons, dans la lumière de ton amour, dans la grâce de ta miséricorde, de venir maintenant guérir tout ce qui a pu nous éloigner de toi au cours de notre vie.  Eh bien ! nous te présentons notre enfance, nous te présentons les épreuves, les souffrances que nous avons connues lorsque nous étions enfants. Nous venons te demander de venir guérir en nous tous les souvenirs, tout ce qui reste encore de ces moments difficiles, que nous avons pu vivre dans notre famille, dans nos amitiés, dans nos relations d'enfants. 
Seigneur, nous te présentons nos années d'adolescents, nous te demandons de venir là encore guérir, libérer, tout ce que nous avons pu vivre et connaître, qui nous a détourné de toi, toutes ces expériences qui n'étaient pas celles que tu voulais pour nous.
Seigneur nous te présentons ces années plus proches que nous avons vécues, nous te demandons de venir par la puissance de ton amour, de ta grâce, et de ta miséricorde, guérir nos souvenirs, et de toutes les conséquences de ce que nous avons pu vivre loin de toi. 
Père très bon, nous Te prions avec confiance, car nous croyons en la force de Ton amour, en Ta miséricorde infinie, et nous Te présentons nos vies, pour que nous puissions mieux nous aimer les uns les autres, mieux t'aimer et mieux servir ton Église ”.
Prenons un petit moment de silence pour que le Seigneur nous éclaire.

L'entretien de ce dimanche touchait à sa fin. Candide avoua être étonnée par l'émotion que ressentaient nos deux amis, quelques quinze ans après avoir vécu ces instants si intenses de foi, et de gratitude envers le Seigneur.


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Prochain texte
le 11 février 2017
Le thème n'est pas encore déterminé à ce jour.
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Illustrations
Les photos proviennent toutes de la collection personnelle de l'auteur.

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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

Le  6 février 2017

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