jeudi 23 février 2017

Le Mercredi des Cendres

Les entretiens du dimanche
24
La célébration du Mercredi des cendres
Pénitence, prière, aumône et jeûne
Les quatre piliers du carême


         En se quittant le dimanche précédent, Candide avait demandé à Théophile qu'il lui commente les évangiles du Mercredi des Cendres et des dimanches du carême. Un peu surpris de cette demande, Théophile lui en avait demandé la raison : "C'est simple, avait répondu Candide. Le carême me semble être une période importante pour préparer la grande fête de Pâques, n'est-ce pas?"

         Ce dimanche-là, il pleuvait. Candide arriva avec un splendide parapluie jaune et blanc. Théophile ne put s'empêcher, en l'accueillant, de lui dire: "Candide, ton parapluie est magnifique. Sais-tu qu'il est aux couleurs du Vatican?"
-"Euh … Non … Ah! mais je me souviens; c'est mon amie Cécile qui est allée à Rome et qui me le prête pour aujourd'hui! … Voilà pourquoi il est ainsi coloré! … Génial!"
-"Tu m'as demandé de te commenter les évangiles du Mercredi des Cendres et des dimanches du carême. Commençons par le jour des cendres.
Je te rappelle brièvement que ce jour-là pour les chrétiens est un jour de pénitence. Je te lis tout de suite une citation en rapport avec cet évènement:
« Sonnez du cor à Sion ! Prescrivez un jeûne, publiez une solennité, réunissez le peuple, convoquez la communauté » [Jl 2, 15-16].
 <Ces paroles du prophète Joël mettent en lumière la dimension communautaire de la pénitence. Certes, le repentir ne peut provenir que du cœur, siège, selon l'anthropologie biblique, des intentions profondes de l'homme. Toutefois, les actes de pénitence exigent d'être vécus également avec les membres de la communauté.>
Cette citation est extraite de l'homélie donnée par  Saint Jean-Paul II, le Mercredi des Cendres, 5 mars 2003. Le Saint-Père mettait en évidence les deux dimensions de la pénitence : la dimension communautaire, la dimension personnelle (le cœur de l'homme)."
Rembrandt -Pénitent

-"Pénitence? Je vois à peu près ce que ce mot signifie, mais …"
-", Mais? … Faire pénitence, c’est implorer le pardon de Dieu pour une faute commise, nous dirons un péché c'est-à-dire une action, une parole, et même une pensée qui vont à l'encontre de ce à quoi nous sommes appelés et de ce que Dieu attend de nous. En effet, par le baptême et la confirmation, le chrétien devient une créature nouvelle, et par l'eucharistie il est intimement uni à Jésus-Christ, et à ses frères. Quand un chrétien prend conscience de ses erreurs, il éprouve le besoin de se réconcilier avec Dieu. Cela implique ce que l'on appelle couramment conversion, ce qui signifie un retour vers ce qui plaît à Dieu. La miséricorde de Dieu est plus grande que n'importe quel péché, que n'importe quelle faute, que n'importe quelle erreur. Le chrétien va donc entreprendre une démarche de pénitence. Cette démarche se concrétise dans le sacrement de réconciliation."
-"Je comprends … C'est tout?"
-"Non, tu t'en doutes bien. Se convertir, c'est changé radicalement l'orientation de notre vie, de nous détourner du mal, de nous tourner vers Dieu. Il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui, dans le monde où nous vivons, cela n'est pas très facile.
J'ai découvert un passage du livre d'Isaïe qui illustre bien, à mon avis, ce que je viens de te dire. Je cite :
16       Lavez-vous, purifiez-vous
Ôtez de ma vue vos actions mauvaises,
cessez de faire le mal.
17       Apprenez à faire le bien :
recherchez la justice,
mettez au pas l'oppresseur,
faites droit à l'orphelin,
prenez la défense de la veuve.
18       Venez donc et discutons, dit le Seigneur.
Si vos péchés sont comme l'écarlate,
ils deviendront comme la neige.
S'ils sont rouges comme le vermillon,
ils deviendront blancs comme la laine.
(Is 1, 16-18)
La pénitence vise à éliminer la cause de la faute commise, et à ne pas la renouveler. Le pénitent s'engage à cela et, avant de recevoir le pardon de Dieu par l'entremise du prêtre, il dit à mi-voix la prière que voici, qu'on nomme acte de contrition:
  < mon Dieu, j'ai un très grand regret de t'avoir offensé, parce que tu es infiniment bon et que le péché te déplaît. Je prends la ferme résolution, avec le secours de ta grâce, de ne plus t'offenser et de faire pénitence.>
Tu as noté sans aucun doute l'exigence exprimée par trois mots:  la ferme résolution. Cela signifie que le pénitent s'engage à ne plus commettre la faute pour laquelle il demande pardon à Dieu. Ce n'est pas rien, car en se présentant à un prêtre pour demander à recevoir le sacrement de réconciliation, le pénitent doit avoir présent à l'esprit cet engagement. A-t-il vraiment l'intention de ne plus recommencer?
La pénitence nous conduit à la conversion à laquelle le Christ nous a tous appelés : "Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" [Mc 1, 15]."

Candide observa un long moment de silence, comme à son habitude.

-"Je crois avoir bien saisi le sens de la cérémonie des cendres. Si on ne s'y prépare pas, on passe à côté de l'essentiel. Prier Dieu dans le silence de notre chambre [quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret; [Mt 6,6], examiner notre vie."
-"C'est bien cela… Mais ce n'est pas tout:  la cérémonie des Cendres nous invite à revenir à Dieu, à faire pénitence et à nous convertir. J'attire ton attention sur un point très important:   faire  pénitence implique  trois principes majeurs et fondamentaux pour le chrétien qui sont  la prière, l'aumône et le jeûne.
         Sans entrer dans des considérations morbides qui n'ont pas leur place en cette célébration, le rite de la célébration du jour des cendres nous rappelle que nous devons mourir un jour, que le monde actuel est un monde passager, et que nous sommes appelés à une autre vie qui ne passera pas. <Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière>: bien sûr, tout le monde sait cela, mais le chrétien sait aussi que la mort n'est qu'un passage vers une autre vie, une re-naissance, une vie éternelle en présence de Dieu."
Marie-Madeleine

            Le Père Stanislas était entré dans la pièce où se tenaient Théophile et Candide. Il s'était assis discrètement dans un coin, sans troubler l'entretien. Candide, à nouveau, s'était retirée dans ses pensées. Quand elle en sortit, le Père intervint: "Ma chère Candide, je suis heureux de constater le sérieux que tu manifestes pour découvrir la foi chrétienne. Si vous le permettez, mes amis, je voudrais ajouter quelques mots."
Candide et Théophile approuvèrent.
-"Voilà. Le carême ramène le chrétien à ses obligations envers ses frères en humanité. La pénitence ne se vit pas que  le jour des cendres. Elle se vit chaque jour. Il en découle pour le chrétien trois obligations, qu'il accomplira sans difficulté, si sa conversion est profonde et sincère. C'est dans l'évangile de Matthieu, au chapitre 6, versets 1 à 18, que se trouve la mention de ces obligations: faire l'aumône, prier et jeûner.
Il y a quelques jours, Théophile, pour définir les obligations du carême, tu as utilisé une expression me rappelant un livre de Lawrence d'Arabie: les sept piliers de la sagesse. Toi, tu as parlé des  quatre piliers du carême. Tu pensais à ce livre?"
-"Non, pas du tout. Non, vraiment: c'était juste pour marquer l'unité de la démarche de carême : pénitence, aumône, prière et jeûne."
-"Bien… Bonne inspiration. Outre la pénitence proprement dite qui est la recherche de nos manquements à la Parole de Dieu et tout particulièrement à l'enseignement du Christ, et qui conduit à prendre la ferme résolution de se convertir, c'est-à-dire de changer radicalement l'orientation de notre vie (je reprends tes propres mots), aumône  prière et jeûne sont les composantes de la pénitence dite <quotidienne>. Dans le livre de Tobie, l'ange s'adresse ainsi à Tobie et à son fils:
6 … Bénissez le Dieu du ciel, célébrez-le devant tous les vivants, parce qu'il vous a comblés de sa miséricorde. 7 En effet, il est bon de tenir cachés les secrets des rois, mais il est glorieux de révéler et de célébrer les œuvres de Dieu. 8 La prière, avec le jeûne et l'aumône, vaut mieux que des monceaux d'or. 9 Car l'aumône délivre de la mort, elle purifie des péchés, elle fait obtenir la miséricorde et la vie éternelle. [To 12, 6-9]
paroles que Matthieu a développées en son chapitre 6 (vv. 1-18), en recommandant de n'y mettre aucune ostentation, sinon l'intention est corrompue et perd toute valeur. Il s'agit d'actes concrets. Le carême est le moment de l'année le plus important pour notre sanctification, où Jésus nous rappelle avec insistance que le plus important n'est pas dans les actes extérieurs. Ce qui compte c'est la manière de les vivre, c'est l'intention de notre coeur.
Le carême est un temps fort de conversion intérieure, de purification, de lutte, c'est le moment de nous rappeler que pour suivre Jésus, il nous faut cheminer, progresser, sans cesse ..."
Théophile et Candide écoutaient attentivement le Père Stanislas, qui poursuivit: "L'aumône. Jésus a magnifié le moindre verre d'eau donné à un petit en son nom, et l'obole de la veuve : Il veut nous entraîner dans une religion d'amour où il s'agit de plaire à Dieu plutôt qu'aux hommes. L'aumône n'est pas un simple don à un pauvre, don d'argent ou de nourriture, mais aussi, et dans un esprit plus large, un don destiné à aider le pauvre à s'ouvrir les voies de sa liberté économique. N'oublions pas d'ailleurs que, selon la première béatitude, à côté de la pauvreté matérielle existent une pauvreté morale et une pauvreté spirituelle. Donc l'aumône peut prendre des dimensions inattendues.
Il nous arrive trop souvent d'avoir une intention qui n'est pas tout à fait pure : quand nous faisons quelque chose de bien, nous en tirons satisfaction!
La prière exige une attitude d'humilité : c'est bien là que nous pouvons, si nous sommes vrais, expérimenter notre faiblesse radicale. Par nous-mêmes, nous sommes incapables de nous convertir : seul le contact avec notre Sauveur, avec notre Père, avec l'Esprit Saint peut nous changer, nous sanctifier.  Il faut avoir compris cela pour que notre prière ne soit plus seulement un rite, mais devienne une vraie relation d'amour avec Dieu. il s'agit d'atteindre à une dimension plus étroite dans le cœur à cœur avec Dieu. La prière est un exercice difficile, qui demande de la persévérance, de la confiance, de la sincérité. La prière revêt des formes très diverses. Chaque événement, chaque rencontre peuvent nous inciter à prier, et plus nous vivons en union profonde avec le Christ, mieux nous comprenons ce qui se passe autour de nous. La prière chrétienne se fait dans une disposition de foi, d'espérance et de charité [Cf. 1 Co 13, 1-13]: elle est persévérante et s'en remet à Dieu.

Quant au jeûne, il y a beaucoup de manières de le pratiquer, car il y a des privations de toutes sortes.  Le jeûne est une privation volontaire de certains aliments, mais pas seulement; par exemple, moins de télé, moins de futilités qui encombrent notre vie et nous éloignent de Dieu. Le jeûne contribue à nous faire acquérir la maîtrise sur nos instincts et la liberté du cœur.

Mes amis, pendant le carême, soyons des pénitents joyeux, des pénitents d'amour, qui en tout cherchent uniquement à être toujours plus près de Jésus.
Chère Candide, je vous invite à acquérir un petit livre, le catéchisme de l'Église catholique pour les jeunes, youcat, qui est une initiative due au  pape Benoît XVI. Il vous apportera beaucoup.
Voilà ce que je tenais à ajouter."
-"Père, un grand merci. Je pense que Candide a de quoi méditer pour les jours à venir… Moi aussi, d'ailleurs."
-"Oh! oui" ne put s'empêcher de dire Candide.
Tandis que Candide rangeait ses notes dans son sac, le Père Stanislas et Théophile échangèrent un regard complice. Le Père s'adressa alors à Candide : "Amie Candide, nous t'avons accablée de notre discours. Tout doit te sembler difficile et austère? Non?"
-"À vrai dire, oui … C'est un peu décourageant… Je mesure qu'il me reste un long chemin à parcourir avant d'oser espérer le baptême. Mais! Bon. Je m'accroche."
-"Alors, pour te rendre des forces et de la joie, acceptes-tu de déjeuner avec nous? Marthe, une paroissienne bénévole, a préparé un bon repas. C'est un vrai cordon bleu. Cuisine simple, mais excellente! Alors?"
Candide fit semblant d'hésiter, et "Alors? … C'est OUI !"
-"Bravo! À table!"
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Proposition de méditation
Office du Mercredi des Cendres

« Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d'agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Autrement, il n'y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l'aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle : quand ils font leurs prières, ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et les carrefours pour bien se montrer aux hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle : ils se composent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
(Mt 6,1-6.16-18)
Méditation
S’adressant aux Corinthiens, Paul leur déclarait : « Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5,20). Paul prenait le relais de la demande de Jésus à entrer dans le Royaume de Dieu.
Et aujourd’hui, comme toujours depuis les débuts de son enseignement, Jésus nous appelle à la conversion, c’est-à-dire à un retournement complet sur nous-mêmes, à la remise en cause de notre vie et du sens que nous voulons lui donner. L’appel du Christ est la partie fondamentale de l’annonce du Royaume: " Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche ; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle " (Mc 1,15).
Dans la prédication de l’Église, cet appel s’adresse d’abord à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ et son Évangile. Aussi, le baptême est-il le lieu principal de la conversion première et fondamentale. C’est par la foi en la Bonne Nouvelle et par le baptême que l’on renonce au mal et qu’on acquiert le salut, c’est-à-dire la rémission de tous les péchés et le don de la vie nouvelle ici-bas et plus tard auprès du Père quand notre vie terrestre sera achevée.  Nous citons Saint Paul:
 « Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. 39 C'est pour vous que Dieu a fait cette promesse, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera." (Ac 2,38-39)
Aujourd’hui et de manière encore plus pressante, l’appel du Christ à la conversion continue à retentir dans la vie des chrétiens. Cette seconde conversion est une tâche ininterrompue pour toute l’Église. C’est un appel à se purifier, et à poursuivre sans faiblir nos efforts de pénitence et de renouvellement. Cet effort de conversion nous conduit à répondre à l’amour miséricordieux de Dieu qui nous a aimés le premier (cf. 1 Jn 4, 10).
Le carême est le temps de la préparation des catéchumènes aux sacrements du baptême et de l'eucharistie, célébrés au cours de la veillée pascale. Mais le carême est le temps du devenir chrétien, lequel ne se réalise pas en un unique moment, mais exige un long parcours de conversion et de renouvellement.
Pour l’imposition des cendres sur le front, le célébrant nous dit «Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » (Gn 3,19), ou bien, répétant l'exhortation de Jésus, « Convertissez-vous et croyez à l'Évangile » (Mt 1,15). Les deux formulations constituent un unique rappel à la vérité de l'existence humaine : nous sommes des créatures limitées, des pécheurs toujours en besoin de pénitence et de conversion. Il est important à notre époque si difficile et si démunie de spiritualité d'écouter et d'accueillir ce rappel. Se convertir signifie se laisser conquérir par Jésus (Ph 3,12) et, avec lui, retourner au Père. La conversion implique ainsi de se mettre humblement à l'école de Jésus, et de marcher sur ses traces.

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Prochain texte
le 4 mars 2017
1er dimanche de Carême

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Illustrations
Rembrandt - Pénitent
Caravage - Marie Madeleine

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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

Le  23 février 2017

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