samedi 14 janvier 2017

Le cantique de Syméon

Les entretiens du dimanche
18

L'enfance de Jésus

3e partie
Le cantique de Syméon

Note: les références entre [] sont données à toutes fins utiles.
*****


-"Bonjour, Candide. Comment vas-tu?"
-"Bien. Selon ta recommandation, j'ai lu le cantique de Syméon. Déconcertant, intéressant, mais beaucoup de questions se soulèvent!"
-"En effet. Il est bon de relire ce texte. Veux-tu ouvrir ta bible au début de l'évangile de saint Luc?"
-"Voilà, voilà … J'y suis."
-"Lis seulement du verset 25 au verset 29."
-Candide s'exécuta, à voix haute:
-"25 Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C'était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d'Israël, et l'Esprit Saint était sur lui. 26 L'Esprit lui avait révélé qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur. 27 Poussé par l'Esprit, Syméon vint au Temple. Les parents y entraient avec l'enfant Jésus pour accomplir les rites de la Loi qui le concernaient. 28 Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant:
29       “ Maintenant, ô Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix,
selon ta parole."

- Théophile prit la parole:
"Dans ce cantique, on distingue quatre parties:
* D'abord, Syméon rend grâce à Dieu: verset 29.
* Puis vient la prophétie de Syméon sur ce qui adviendra en Israël, et subsidiairement dans le monde: versets 30 à 32
* Ensuite il annonce un avenir douloureux à Marie, la mère de l'enfant: versets 33 à 35.
* Enfin les versets 36 à 38, qui ferment ce texte, sont en apparence moins importants, quoique …"

-"Oui, j'avais remarqué ce possible découpage."

- "Avant d'entrer dans une brève analyse du texte, il faut que je te précise quelques points importants.
Le Nunc dimittis appelé aussi Cantique de Syméon  est une prière chrétienne traditionnelle, notamment pour l'office des complies qui clôt la journée de prière des chrétiens.
Le nom de cette prière lui vient de ses deux premiers mots en latin dont le sens est : maintenant, laisse partir [ton serviteur].

Ce cantique semble avoir été composé par saint Luc lui-même, en particulier probablement à l’aide de textes d’Isaïe [par exemple Is 52,10 pour le verset 30]. En gros, après le verset qui concerne Syméon et sa mort prochaine, la suite immédiate définit le salut universel apporté par le Messie Jésus : une illumination du monde païen qui, partie du peuple élu, tournera à la gloire d’Israël. Enfin, Syméon prophétise envers Marie, avant que ne survienne Anne, une femme âgée et veuve qui passe la plupart de son temps au Temple.
Les oracles de Syméon sur Jésus correspondent à celui de Zacharie sur son fils [Lc 1,67-79]. En quelque sorte, dernier prophète de l’Ancien Testament avec Zacharie, Syméon salue l’avènement du Sauveur et dévoile à ses parents le but de sa mission."
-"Merci de cet apport sur ce cantique. Pour qu'il ait été retenu pour l'ultime prière liturgique de la journée du chrétien, il doit être vraiment fondamental? Non?"

-"En effet. Voilà comment, moi, je le ressens. Je n'ai pas la prétention de détenir le savoir des théologiens éminents, je t'en parle comme un serviteur de Dieu, quelconque comme il est écrit en Lc 17,10: <Nous sommes des serviteurs quelconques: nous n'avons fait que notre devoir.>"
Petite remarque: dans le texte grec, il est écrit : serviteurs quelconques. Or la traduction couramment utilisée donne : serviteurs inutiles. Moi, je préfère le texte grec à la traduction moderne. Avec "quelconque", je reste serviteur, avec "inutile", je ne suis plus rien, même pas serviteur, je me sens rejeté par Dieu! C'est peut-être exagéré et va à l'encontre de la traduction couramment utilisée, ce que je te dis là, mais c'est comme ça."

-"Ami, je sais que tu veux rester modeste par sagesse et lucidité, expérience également, et je sais que tu es serviteur de Dieu, même si tu penses que tu as quelques défaillances.!"
-"Merci. Dans la prière de grâce qui inaugure le cantique, pour moi deux mots se détachent, car ils trouvent un écho profond en moi-même : maintenant et paix.
Maintenant, ô Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix,
selon ta parole.
Syméon constate que la promesse de Dieu est accomplie et il accueille sa mort à venir avec joie. En effet, l'Esprit lui avait révélé qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur. [Lc 2,26]"


-"La paix, je pense comprendre pourquoi ton choix, mais <maintenant>?"
-"Vois-tu, Candide, je suis âgé, j'ai dépassé les 80 ans. Je ne suis pas en paix comme Syméon. La perspective de ma propre fin de vie s'impose à moi. Par l'âge bien évidemment, mais aussi par mon état de santé qui s'est dégradé sérieusement ces derniers mois. Un organe me cause beaucoup de soucis qui m'obsèdent, mon ADN comporte un gène à haut risque, j'ai eu trois phlébites: tout cela présage des menaces graves pour mon avenir, qui comporte des menaces encore plus graves pour mon épouse handicapée et qui n'a plus d'autonomie.

Aussi, ce mot <maintenant> ne m'apporte pas la<paix> que la vue du Sauveur apporte au vieillard Syméon. Dans ma vie et encore aujourd'hui, je crois avoir fait ce que je devais faire, mais au regard du Sauveur ai-je fait suffisamment? N'aurais-je pas pu faire plus et mieux?"
- Candide interrompit les confidences de Théophile: "Théo, je comprends tes soucis, mais fais confiance au Seigneur. Tu sais bien au fond de toi que Dieu est miséricordieux. Il ne peut pas t'abandonner."
-"Certainement, j'en suis convaincu, mais je suis un homme affaibli par la maladie. J'ai des doutes sur la réalité de ma foi, et de sérieuses craintes pour l'avenir m'assaillent, pas seulement pour moi, hélas."
-"Théo, je compatis à ta peine. Avant de nous quitter, nous prierons ensemble, veux-tu? Je ne suis pas baptisée, certes, mais je suis une créature de ton Dieu, n'est-ce pas?"
-"Merci mon amie."
Candide, attentive, qui a de la mémoire et de la suite dans les idées, demanda: "Et la paix? Ce mot est important pour toi. peux-tu préciser en quoi il est important,"
-"Ah oui, la paix! … S'en aller dans la paix?"

Théophile se tut, et il resta pensif un long moment. Revivait-il des événements de sa vie, des joies, des peines, ses réussites, mais aussi ses échecs? Pendant ce long temps de recueillement, Candide, ses mains jointes, semblait prier.
Théo sortit enfin de ses réflexions, et il poursuivit: "La paix, au sens évangélique, c'est la paix donnée par Jésus à ses disciples. La paix de ce monde est plutôt le résultat de la sérénité de l'esprit humain ici bas.
Jésus a dit à ses apôtres: < C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés.  Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m'en vais, et je reviens vers vous. Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie>[Jn 14,27.28]
Il y a là beaucoup de chemins de méditation importants: la paix, bien évidemment, mais aussi l'amour au sens le plus sublime, et la joie.
Cette paix, on la trouve en soi dans la présence de Jésus qui en est source et réalité. Sainte Élisabeth de la Trinité a connu cette intimité avec Jésus: elle a écrit ceci:
Dans ce petit sanctuaire tout intime (de mon âme) je le trouve à chaque heure du jour et de la nuit. Je ne suis jamais seule : mon Christ est là toujours priant en moi et je prie avec Lui.
Cette paix est donnée par Jésus, elle  n'est plus liée à sa présence terrestre mais à sa victoire sur le monde et sur la mort: il donne l'Esprit Saint avec sa paix.

N'oublie pas que la foi en Dieu est souvent combattue par nos doutes. Les soucis combattent la sérénité. Tu peux ainsi comprendre pourquoi je te dis qu'étant devenu un homme affaibli par la maladie, j'ai des doutes sur la réalité de ma foi et des craintes pour l'avenir."
-"Oh oui! Je saisis pourquoi les mots maintenant et  paix t'ont tellement impressionné."
-" Candide, mon amie, tu as tout compris. Mais assez parlé de mes états d'âme. Poursuivons.
Le reste du cantique est plus facile à comprendre. Un dernier point cependant sur les paroles de Syméon à Marie:
Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère: “ Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. Et toi-même, ton coeur sera transpercé par une épée. - Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre. ”

Jésus ne s’est pas imposé de force, mais il doit être accueilli librement par la foi. De  fait, une part importante d’Israël refusera son enseignement, certains et non des moindres voudront et obtiendront sa mort, il sera rejeté. Marie sa mère et de très rares disciples seront avec Lui au Golgotha, et assisteront à sa terrible agonie sur la croix. Saint Paul en portera témoignage:
        « Il a bien parlé, l'Esprit Saint, quand il a dit à vos pères par le prophète Isaïe :
26 Va dire à ce peuple
Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas.
Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
27 Le coeur de ce peuple s'est alourdi :ils sont devenus durs d'oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas,
que leurs oreilles n'entendent pas, que leur coeur ne comprenne pas,
et qu'ils ne se convertissent pas.
Sinon, je les aurais guéris.
28 Sachez-le bien : c'est aux païens que le salut de Dieu a été envoyé. Eux, ils écouteront. »                             [Ac 28,26-28].

En vraie Fille de Sion, Marie portera en sa propre vie la destinée douloureuse de son peuple. Avec son Fils, elle sera au centre de cette contradiction où les cœurs devront se découvrir, pour ou contre Jésus. Le symbole de l’épée peut s’inspirer de l'ancien Testament, soit d’Ézéchiel [14, 17], ce qui me semble tiré par les cheveux, soit de Zacharie [12, 10-11] selon d’autres exégètes et cela me parait plus acceptable. D'ailleurs, voici le passage, je te le lis:
Parole du Seigneur
12    En ce jour-là, 10 je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication. Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont transpercé ; ils feront une lamentation sur lui comme sur un fils unique; ils pleureront sur lui amèrement comme sur un premier-né. 11 En ce jour-là, il y aura grande lamentation dans Jérusalem.

-"Merci pour toutes ces explications, résultat de longues recherches documentaires, sans doute?"
-"Oui. Bien. Alors, à dimanche prochain?"
-"Théo, tu oublies?.... Prions ensemble, en silence, pour toi et ton épouse."
-"Tu es une véritable amie."
-"Oui,  mon ami…."

Tous deux prièrent en silence, puis Candide se prépara à partir.
*****
Complément à l'entretien de ce jour

Notice sur le Temple de Jérusalem

L'Esplanade du Temple et la Basilique du Saint Sépulcre sont les deux pôles spirituels de Jérusalem.

Cela a commencé dès les origines lorsqu'au soir de la chute de l'homme quand Dieu chercha l'homme dans le paradis: « Ils entendirent les pas de Yahvé qui se promenait dans le jardin à la brise du jour ... Yahvé Dieu appela l'homme: Où es-tu ? ... je suis nu ... je me suis caché ... » (Gn 3,8-10).

Aussitôt que Yahvé « renvoie l'homme du jardin d'Eden et le bannit » (Gn 3,23-24), s'éveille alors dans son coeur le désir fou de reconquérir son amour coûte que coûte. Et tout au long de l'histoire du salut, Dieu va multiplier les démarches pour revenir habiter le coeur de l'homme: la visite du Seigneur à Abraham au chêne de Mambré (Gn 18,1-15), le songe de Jacob à Béthel (Gn 28,10-22).  Pour se souvenir des furtives « visitations » de Yahvé, l'homme marque ces endroits par des stèles, des pierres.  Mais, c'est au milieu de son peuple que Dieu veut résider et non seulement par de petites visites ponctuelles mais d'une façon permanente et il en exprime clairement le désir à Moïse: « Fais moi un sanctuaire que je puisse résider parmi eux. » (Ex 25,8), et Moïse planta une tente.  Il la nomma « tente du rendez-vous, tente de la rencontre » (Ex 32,7) et Yahvé lui dit: « C'est là que je te rencontrerai » (Ex 25,22). « Chaque fois que Moïse entrait dans la tente, la colonne de nuée descendait et se tenait à l'entrée de la tente et le peuple se levait et se prosternait » (Ex 32,9-10).  C'est dans la tente aussi que reposait l'Arche, signe de l'Alliance de Dieu avec son peuple. Et tout au long de son errance à travers le désert, Dieu suivait son peuple nomade et résidait au milieu de lui. Lorsque le peuple élu prit possession de la Terre Promise, lorsqu'il passa de la vie itinérante à la sédentarité, Dieu fit de même: Il s'installa.  Au passage du Jourdain Yahvé avait demandé à Josué que chacune des douze tribus d'Israël prit une pierre dans le lit du Jourdain asséché par Yahvé pour le passage de l'Arche (Josué 3 et 4): « Ces pierres sont un mémorial pour les israélites et pour toujours » (Josué 3,7).  Josué érigea à Gilgal le premier Temple à Yahvé.
Le partage de la terre promise entre des douze tribus et les nombreux sanctuaires édifiés par chacune d'elles ne permit pas la localisation d'un édifice national.  L'Arche d'Alliance passa aux mains de nombreuses tribus: Qiryat-Yearim, Silo, Béthel eurent le privilège de l'abriter.  Lorsque David (1010-970 avant J-C.) s'empara de Jérusalem, il décida d'en faire sa capitale.  L'Arche d'Alliance y fut transportée et fut abritée sous une tente comme au temps de l'Exode: « On introduisit l'Arche et on la déposa à sa place sous la tente que David avait fait dresser pour elle. » (2 Samuel 6,17)

David reçut l'ordre de Yahvé d'acheter l'aire d'Arauna, le Jébuséen, pour y bâtir un autel en son honneur:
« Monte et élève un autel à Yahvé sur l'aire d'Arauna, le Jébuséen" (2 Samuel 24,18).
Cette roche au sommet du mont Moriah avait été un haut lieu cananéen.  Il était vénéré comme le lieu du sacrifice d'Abraham: « sur la montagne, Dieu pourvoit» (Gn 22,14).  Quand David bâtit son palais à Jérusalem, il ne peut se sentir à l'aise "d'habiter une demeure lambrissée de cèdre tandis que l'Arche de Dieu repose sous une tente » (2 Samuel 7,2).  Mais, Yahvé ne lui accordera pas l'honneur de lui bâtir sa maison: « Seulement ce n'est pas toi qui bâtiras cette maison.  C'est ton fils, issu de tes reins qui bâtira la maison pour mon Nom. » (1 Rois 8,19).  C'est Salomon, fils de David, qui construira le fameux temple de Jérusalem. Pourtant, David préparera les matériaux nécessaires à la construction: « J'en ferai pour lui les préparatifs » (1 Chroniques 22,5).  Le temple de Salomon était une splendeur par sa décoration, la richesse de son mobilier et des matériaux employés pour sa construction.  Déjà dans le sanctuaire ambulant qu'était la tente de la rencontre, "LA GLOIRE" de Dieu était présente.  Dieu va prendre possession de son Temple et résider au milieu de son peuple: « Or quand les prêtres sortirent du sanctuaire, la nuée remplit le Temple de Yahvé ... alors Salomon dit:       oui, je t'ai construit une demeure princière, une résidence où tu habites à jamais » (1 Rois 8,10-13).    
"LA GLOIRE" de Dieu était tellement présente dans le sanctuaire de Jérusalem, que lorsqu'en 587 avant JC., Nabuchodonosor prendra la ville, rasera le Temple et emmènera le peuple d'Israël en exil à Babylone, le prophète Ezéchiel, dans une vision éblouissante verra cette "GLOIRE" quitter le Temple et prendre le chemin de l'exil: « La GLOIRE de Yahvé sortit de sur le seuil du Temple et s'arrêta sur les chérubins » (Ezéchiel 10, 18), « La GLOIRE de Yahvé s'éleva du milieu de la ville » (Ezéchiel 1 1,23).

Cinquante ans plus tard les Juifs revinrent d’exil, mais les difficultés matérielles leur permirent simplement de déblayer les ruines et de reconstruire un autel pour le culte.  Dix-huit ans après sous l'impulsion des prophètes Aggée et Zacharie, le Temple fut reconstruit bien plus modestement.


Pour s'attirer la faveur des juifs, Hérode le Grand (le premier roi non-juif ) que les Romains avaient mis sur le trône, décida d'entreprendre la reconstruction du Temple qui retrouva son antique splendeur.  Commencés vingt ans avant J-C., les travaux devaient durer quatre vingt quatre ans, mais l'essentiel fut achevé en dix ans.  C'est le temple que connut Jésus: « de Temple, je n'en vis point dans la Jérusalem nouvelle ... car le Seigneur, maître de tout est son Temple ... ainsi que l'Agneau. » (Ap 21,22)

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Prochain texte
L'enfance de Jésus
4e partie
le 21 janvier 2017
La fuite en Égypte
Le massacre des innocents

Ultérieurement
Jésus au Temple avec les scribes
Jésus à Nazareth
si Dieu le permet.
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Illustration
Bellini - La Présentation de jésus au Temple

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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.
Le  14 janvier 2017

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