dimanche 9 avril 2017

Journée du pardon (12 avril 2017)

Les entretiens du dimanche
27

Journée du pardon
12 avril 2017
Église Saint-Michel, Dijon

Pardonnez-nous nos offenses

                    comme nous pardonnons …

Avertissement : sous le titre "Les entretiens du dimanche", l'auteur qui est diacre permanent publie une édition plus complète d'un premier document. Commencé en septembre 2016, les nouveaux textes exposent ses réflexions sur la foi chrétienne, sous la forme d'un ensemble d'entretiens entre deux personnages, le diacre Théophile et une jeune femme, Candide, qui n'est pas baptisée.
Le présent texte est en lien avec la journée du pardon du 12 avril 2017.
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Rembrandt -Le retour du fils prodigue (1668)
            Une fois n'est pas coutume, Théophile et Candide décidèrent de tenir leur entretien un jour de semaine. Théophile avait été indisposé par une grande fatigue, conséquence du dérèglement persistant d'un de ses organes vitaux.
Il n'était pas en grande forme. Candide le salua d'un retentissant: "ben, mon pauvre vieux, tu as l'air épuisé!"
-"Tu ne crois pas si bien dire. Très fatigué, oui, mais aussi un peu déprimé."
-"Déprimé? Ce n'est pas habituel, chez toi."
-"C'est vrai …"
Théophile hésita à poursuivre; Candide, un peu étonnée, le laissa en paix reprendre son souffle et ses esprits.
-"Ce matin, en arrivant, reprit Théophile un petit moment après, j'ai rencontré le Père Stanislas. Je l'ai trouvé un peu triste, et il y a de quoi. Il serait sur le point d'être nommé dans une autre paroisse, et le nom de son successeur probable l'a rendu inquiet pour ses paroissiens."
-"Inquiet? Pourquoi?"
-"Je crois que le nouveau prêtre serait plus un penseur de haut niveau que prêtre très proche de ses paroissiens,  pour les écouter, les soutenir, leur porter aide et assistance, bref  être charitable.
Après quelques instants de silence, Théophile ajouta: "Y aura-t-il place pour un diacre ayant dépassé les 80 ans? … J'en doute. Tant pis. Et pourtant, je me souviens d'un verset de psaume … Euh! attends, je cherche dans ma mémoire … Ah ! oui ! le psaume 91 : <Vieillissant, il fructifie encore, il garde sa sève et sa verdeur.>
           
Je reconnais que cette citation sort un peu du contexte de ce psaume, mais je la trouve très évocatrice; elle exprime ce que le monde actuel semble oublier, à savoir que "les vieux" comme on dit maintenant ont un trésor d'expérience et de sagesse en eux, et qu'ils ne sont pas des "déchets" comme le déplore le pape François. Tu sais, Candide, les psaumes sont un don de Dieu."
-"Mon ami, tu n'es pas vieux. Il suffit de voir ce que tu fais encore, de constater avec quelle curiosité inlassable, tu t'intéresses à l'évolution du monde, à la science, et aux nouveautés technologiques? D'ailleurs, tu fais aussi des programmes informatiques pour ta fille, n'est-ce pas?... Théophile acquiesça d’un signe de tête.  Mais, au fait, quel est le contexte de ce psaume?"
-"Le voici: rendre grâce à Dieu, pour la vie de son Christ, et pour son corps qui grandit parmi nous.  Qu'il donne à son Église de fructifier encore : comblée de joie par la grandeur de ses oeuvres, qu'elle annonce au monde son amour.
Voilà comment on peut le résumer.
Mais revenons à aujourd'hui. Nous approchons de la Semaine Sainte. Il serait bon que nous évoquions le pardon. Dans la prière du <Notre Père> le chrétien dit: Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Ce qui, en clair et en retournant la phrase, signifie: que je pardonne sincèrement et complètement à ceux qui m'ont fait du tort, et alors Dieu me pardonnera mes péchés, mes fautes, mes erreurs et le tort que j'ai fait aux autres, volontairement ou non."
-"Donc, mon ami, avant de s'adresser à un prêtre pour se confesser, il est indispensable de se préparer sérieusement et sans rien dissimuler. N'est-ce pas?"
-"Oui, tu as raison. Sans rien dissimuler, et avec la ferme intention de ne pas récidiver. C'est d'ailleurs ce que le pénitent déclare dans son acte de contrition lors de sa demande pour recevoir le pardon de Dieu par l'entremise du prêtre."
            Candide était perplexe. Sans doute lui semblait-il très difficile de remplir toutes ces conditions exigeantes. Théophile attendait patiemment que Candide reprenne l'entretien. Puis elle se manifesta en posant une question à Théophile:
-"Cécile que tu connais m'a affirmé qu'il y avait deux versions du Notre Père dans le Nouveau Testament. Est-ce exact?"
-"Oui. Matthieu et Luc ont donné chacun une version. Les voici:
Mt 6,9-13
9 Vous donc, priez ainsi :
Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié.
10 Que ton règne vienne ;
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
11 Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
12 Remets-nous nos dettes,
comme nous les avons remises nous-mêmes
à ceux qui nous devaient.
13 Et ne nous soumets pas à la tentation,
mais délivre-nous du Mal.
et pour Luc (Lc 11,2-4)
2  Quand vous priez, dites :
'Père,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne.
3 Donne-nous le pain
dont nous avons besoin pour chaque jour.
4 Pardonne-nous nos péchés,
car nous-mêmes nous pardonnons
à tous ceux qui ont des torts envers nous.
Et ne nous soumets pas à la tentation.'

Si on rapproche les parties qui ont rapport avec le pardon, on voit qu'elles diffèrent.
Souviens-toi: Matthieu a écrit son évangile pour les juifs, mais Luc pour des non-juifs. Le mot <dette> a un sens très voisin de <péché> pour les juifs, mais pour un païen non-juif il garde sons sens de chose due. C'est pourquoi Luc a écrit <Pardonne-nous nos péchés>; remarque bien qu'il ajoute < nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous>, des <torts> car seul Dieu pardonne le péché, par l'entremise des prêtres: “ Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. ”  (Jn 20,22-23).
-"Alors, comment dit-on aujourd'hui pour cette prière du Notre Père?"
-"La traduction récente de la Bible liturgique préconise de dire: <Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs> pour Matthieu, et <Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui nous ont des torts envers nous> pour Luc."
-"Et toi, comment pries-tu?"
-"Vu mon âge, je continues à dire < Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.>. Je reste fidèle aux leçons de catéchisme de mon enfance."

-"Et j'ai entendu parler d'une journée du pardon. Peux-tu me dire en quoi cela consiste?"
-"Bien sûr. Sans me tromper, je puis dire que l'idée d'une telle journée est due au chanoine Marcel Bourland du diocèse de Dijon. Depuis, l'idée a fait son chemin.
Ce jour-là, des prêtres, des diacres et des laïcs accueillent en l'église tous ceux qui souhaitent recevoir le pardon de leurs péchés, de leurs fautes, enfin de tout ce qui pèse sur leur conscience et ne les laisse pas en paix.
Seuls, évidemment, les prêtres donnent le sacrement de réconciliation; les autres personnes sont à la disposition de ceux qui souhaitent être préparés à être entendu par un prêtre."
-"Je te coupe la parole: tu parles de <sacrement de réconciliation>. Qu'est-ce que c'est? C'est différent de la confession?"
-"Attends un peu. Ne mélangeons pas tout. Restons sur le pardon, et ensuite je t'expliquerai le sacrement de réconciliation.

Qu’est-ce que le pardon ? Je me place maintenant dans le cas de celui qui a été victime d'une action, ou d'une parole qui lui a fait du mal et du tort. Je me placerai plus tard dans la position de celui qui a fait du tort, et j'aborderai  le sacrement de réconciliation.

J'ai subi un tort. Pardonner, ce n’est pas oublier. Car il ne nous appartient pas de perdre la mémoire volontairement. Mais on peut éviter de ressasser. Pardonner, c’est alors dépasser le tort qui nous a été fait, prendre de la distance par rapport à lui. Il n’empêche que c’est très dur de pardonner. On ne peut pas toujours y arriver: il faut laisser du temps au temps pour parvenir, non pas à l'oubli, mais à relativiser son importance. Cependant, ce n’est pas parce qu’on éprouve en soi un blocage, qu’on n’est pas sur la voie du pardon.
On ne pardonne pas d’un seul coup. Il y faut du temps, souvent des mois, parfois des années. Mais pardonner n’est pas pour autant accepter les torts que l’autre m'a faits. Bien au contraire, il s’agit de tout faire pour obtenir justice et rétablir la situation d'avant le tort.

J'en viens maintenant au sacrement de réconciliation. Dans la Bible, le pécheur est un débiteur dont Dieu, par son pardon, efface (ou remet si tu préfères) la dette, remise si efficace que Dieu ne voit plus le péché qui est comme jeté derrière lui (Is 38,17), ôté (Ex 32,32-33), expié, détruit. Le Christ utilise le même vocabulaire. D'autres mots (purifier, laver, justifier) apparaissent dans les écrits apostoliques qui insistent sur l'aspect positif du pardon, qui est réconciliation et réunion.
Notre Dieu est un Dieu de pardon (Ex 20,6), un “Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité.” Loin de vouloir la mort du pécheur, il veut sa conversion (Ez 18,23) ; « ses voies ne sont pas nos voies », et « ses pensées dépassent nos pensées » (Is 55,8).
Jésus est venu non seulement pour inviter les pécheurs à se convertir et à croire (Mc 1,15), mais aussi pour guérir et pardonner. Il révèle que Dieu est avant tout un Dieu d’amour, et aussi un Père dont la joie est de pardonner et dont la volonté est que nul ne se perde (Mt 18,12-14; 2 P 3,9).

Nous constatons parfois que nous restons bien en deçà des exigences de l'enseignement de Jésus Christ, que notre vie n'est pas conforme à notre vocation de chrétien et à la volonté de Dieu, et que nous allons même à l'encontre de ce à quoi nous sommes appelés et de ce que Dieu attend de nous.  Il nous arrive encore de suivre "l'esprit de ce monde" au lieu de suivre ce que nous dit l'Esprit Saint. Mais Dieu, dont la miséricorde est inépuisable, offre une nouvelle possibilité de se convertir, en vue de recouvrer la grâce, à ceux qui ont commis une faute grave après leur baptême: c'est le sacrement de pénitence et de réconciliation. Les Pères de l'Église présentent souvent celui-ci comme un second baptême, qui ne va pas sans peine, et comme une seconde planche de salut après le naufrage du péché.

Ça va, tu suis?"
-"Oui, je t'écoute. C'est nouveau pour moi, mais je ne demande qu'à découvrir ce qui compose la foi du chrétien."
-"Bon. Aujourd'hui, bien des hommes ont de la peine à reconnaître leurs défaillances comme des fautes commises devant Dieu, c'est-à-dire comme des "péchés". Ceci est d'autant plus inquiétant que l'appel à la conversion se trouve au coeur du message de Jésus annonçant le Royaume de Dieu qui vient: "Convertissez-vous et croyez à l'a Bonne Nouvelle" (Mc 1,15).  La conversion et la pénitence font partie intégrante de la vie chrétienne: "Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des cieux" (Mt 18,3).  D'après Jésus, tous doivent se convertir, même les justes qui croient n'en avoir pas besoin: " Si nous disons: Nous n'avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous" (1 Jn 1,8).

Concrètement, se convertir signifie faire le bien et observer la volonté de Dieu, principalement les exigences de la justice et de la charité.  Il n'y a pas de conversion à Dieu sans attention portée à nos frères et soeurs. J'ai trouvé ces quelques recommandations en Isaïe:
"Lavez-vous, purifiez-vous.
Otez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal.
Apprenez à faire le bien,
recherchez la justice,
mettez au pas l'oppresseur,
faites droit à l'orphelin,
prenez la défense de la veuve" (Is 1,16-17).

La pénitence consiste donc à changer radicalement notre vie, à se détourner du mal et à se tourner vers Dieu. Se convertir, c'est chercher en Dieu seul de quoi donner un sens et une consistance à notre vie.

Le sacrement de pénitence et de réconciliation comporte quatre parties successives: l'accueil où le prêtre dialogue avec le demandeur, puis la contrition où le pécheur avoue sa faute et veut se corriger, en réparant dans la mesure du possible les conséquences de son péché, la pénitence qui est prière à Dieu, enfin la réparation du  (ou des ) tort commis par le demandeur.
La pénitence peut revêtir de multiples formes, mais toutes doivent être inspirées par la foi, l'espérance et la charité. La pénitence imposée par le confesseur doit correspondre autant que possible à la gravité et à la nature des péchés commis.  Elle peut consister dans la prière, dans une offrande, dans le service du prochain et dans les oeuvres de miséricorde.

-"On doit se sentir mieux après avoir reçu ce sacrement? "
-"Oh oui! On se sent léger, et joyeux. … Tiens, à propos de la joie, je te cite une phrase de mon évêque qui ne m'en voudra certainement pas de te rapporter son propos: < le pardon que Dieu, dans sa miséricorde, nous accorde crée toujours la joie, la joie d'être sauvé. « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 autres, qui n'ont pas besoin de conversion »(Lc 7,15,7)"
-"Merci Théophile pour cet entretien. Reposes-toi et reprend des forces."
-"Merci. À bientôt".



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Illustration
Rembrandt - Le Retour du Fils prodigue (vers 1668).
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre … si vous le voulez bien.

Le dimanche 9 avril 2017

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