samedi 11 mars 2017

La Transfiguration

Les entretiens du dimanche
26
2e dimanche du Carême 2017
Transfiguration de Jésus.

Lorsque Théophile aperçut Candide, il sut tout de suite qu'elle avait une question à lui poser sur l'entretien du dimanche précédent. En effet, elle était à peine installée dans la petite salle de l'église, qu'elle ouvrit le feu: -"Mon cher Théophile, me permettrais-tu de faire une remarque sur notre entretien de dimanche dernier ?"
Oui, bien sûr. Je t'écoute.»
Tu m'as dit que Jésus avait été soumis par le démon à trois tentations. A-t-il péché ? »
Non. La tentation n'est pas le péché. Donc, Jésus en ne cédant pas aux tentations du démon n'a pas péché. L'attitude de Jésus face aux tentatives du démon est ferme. Or, l'expérience que nous avons, nous permet d'affirmer que ce n'est pas l'attitude habituelle d'une personne confrontée à une tentation : cette personne peut marquer beaucoup d'hésitations, peser le pour et le contre. Dans ce cas, elle n'est pas loin de succomber. Si tu regardes tout ce que tu possèdes, je parie que tu trouveras des babioles dont tu n'as aucun usage, et cependant tu les as acquises. Donc, tu as succombé à la tentation que t'ont imposée des publicitaires efficaces."
-" Je comprends ce que tu m'expliques, mais je ne pourrais pas répondre comme Jésus à des tentations aussi subtiles que celles que lui propose le démon."
-" C'est probable … Je dirais simplement que les tentations que le démon a proposées à Jésus sont en rapport avec la puissance divine de Jésus. Pour nous, il faut être plus modeste."
-" Bien, bien, bien… Aujourd'hui, tu veux me parler d'un événement que l'Église propose à la méditation de ses fidèles : il s'agit de la transfiguration. Qu'est-ce que la transfiguration ?"
 
Fra Angelico
La Transfiguration de Jésus
Théophile allait lui répondre, lorsque Candide l'interrompit brusquement :
Je crois savoir, mon cher Théophile, que tu es allé au Mont-Thabor en Israël, où la tradition de l'Église situe cet évènement?"
Intérieur de l'église du Mont-Thabor
Vue de l'église du Mont-Thabor

-"Effectivement, j'ai eu l'occasion de me rendre deux fois au Mont-Thabor … et j'ai une profonde reconnaissance envers le prêtre qui présidait les deux pèlerinages, parce qu'il m'avait demandé de donner l'homélie de la messe que nous célébrions en ce haut lieu de la chrétienté."
-"Oh! c'est merveilleux. Tu pourrais me lire ces homélies, si tu les as ici avec toi?"
-"Si cela te fait plaisir, avec joie je te citerais les passages les plus significatifs. Mais avant cela, j'ai quelques précisions à t'apporter.
           
            Une remarque tout d'abord. C'est dans la première moitié du quatrième siècle de notre ère que fut vraiment connue la Terre Sainte. Jusque-là, les chrétiens vivaient dans une clandestinité plus ou moins marquée, à cause des persécutions auxquelles ils étaient exposés. Donc, si tu retiens cela, il s'est écoulé près de 300 ans depuis la mort et la résurrection de Jésus! C'est comme si on parlait aujourd'hui, sans documents écrits irréfutables, d'évènements survenus en 1717! "
-"Ouah! En effet!"
-"Mais j'y pense, ajouta Candide. Cette dernière remarque ne serait-elle pas susceptible de remettre en cause les évangiles écrits assez tardivement?"
-"Dans une certaine mesure, peut-être. Nous en avons déjà parlé, souviens-toi. Ce qui confirme les évènements liés à la vie de Jésus en Palestine, c'est saint Paul, d'abord persécuteur des chrétiens puis prédicateur convaincant ensuite; il y a aussi la vague de fond que suscita l'enseignement des premiers témoins vivants. L'hostilité des juifs  et des romains fut impuissante à anéantir le christianisme naissant."
-"OK, mon ami. Poursuis ton enseignement."

Théophile reprit donc la parole: "Les lieux saints furent donc libres d'accès très tardivement par rapport aux évènements fondateurs du christianisme. C'est pourquoi, les chrétiens débattirent de la localisation de certains lieux comme celui de la Transfiguration. Tu vas constater que localiser l'endroit de la Transfiguration n'est pas chose facile.
            En référence à Moïse et Élie qui sont présents aux côtés de Jésus, le récit de la Transfiguration est en lien avec le Mont Horeb et le Mont Sinaï. À l'époque byzantine, la tradition de l'Église a choisi le Mont Thabor près du lac de Tibériade (encore appelé Mer de Galilée, ou lac de Génésareth), relativement proche de Nazareth et de Cana. Et, chère Candide, ne t'imagines pas que le Mont Thabor est une haute montagne: il culmine à … 588 mètres!"
-"Bof!"
-"Revenons à la Transfiguration. C'est un évènement à peine croyable, mais très important pour les trois principaux témoins que furent Pierre, Jacques et Jean. Pour éphémère qu’elle soit, cette scène de gloire manifeste ce qu’est réellement et ce que sera bientôt définitivement Celui qui doit connaître pour un temps les abaissements du Serviteur souffrant annoncé par le prophète Isaïe.
Giovanni Bellini

            Saint Ephrem (306 ?-373), diacre en Syrie et proclamé docteur de l'Église, a écrit un magnifique texte sur cet évènement. Je cite :
<(Jésus emmena Pierre, Jacques et Jean) sur la montagne pour leur montrer la gloire de sa divinité et leur faire connaître qu'il était le Rédempteur d'Israël, comme il l'avait montré par ses prophètes... Ils l'avaient vu manger et boire, se fatiguer et prendre du repos, s'assoupir et dormir, subir l'effroi jusqu'aux gouttes de sueur, toutes choses qui ne semblaient guère en harmonie avec sa nature divine et ne convenir qu'à son humanité. Voilà pourquoi il les emmena sur la montagne, afin que le Père l'appelle son Fils et leur montre qu'il était vraiment son Fils, et qu'il était Dieu.
      Il les emmena sur la montagne et Il leur montra sa royauté avant de souffrir, sa puissance avant de mourir, sa gloire avant d'être outragé et son honneur avant de subir l'ignominie. Ainsi, lorsqu'Il serait pris et crucifié, ses apôtres comprendraient qu'il ne l'avait pas été par faiblesse, mais par consentement et de plein gré pour le salut du monde. 
      Il les emmena sur la montagne et leur montra, avant sa résurrection, la gloire de sa divinité. Ainsi, lorsqu'il ressusciterait d'entre les morts dans la gloire de sa divinité, ses disciples reconnaîtraient qu'il ne recevait pas cette gloire en récompense de sa peine, comme s'il en avait besoin, mais qu'elle lui appartenait bien avant les siècles, avec le Père et auprès du Père, ainsi que lui-même le dit à l'approche de sa Passion volontaire : « Père, glorifie-moi de la gloire que j'avais auprès de toi avant le commencement du monde » (Jn 17,5)>
Que veux-tu que j'ajoute à cela?
-"Oui, c'est beau, c'est émouvant … C'est tellement … tellement vrai!"

-"Cette scène n'est en rien inventée puisque Pierre lui-même s'en fait le rapporteur dans sa deuxième lettre (2 Pierre 1,16-18):
<16 En effet, pour vous faire connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, nous n'avons pas eu recours aux inventions des récits mythologiques, mais nous l'avons contemplé lui-même dans sa grandeur.17 Car il a reçu du Père l'honneur et la gloire quand est venue sur lui, de la gloire rayonnante de Dieu, une voix qui disait :
Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
en lui j'ai mis tout mon amour.
18 Cette voix venant du ciel, nous l'avons entendue nous-mêmes quand nous étions avec lui sur la montagne sainte.>

Tu m'as demandé ce que j'avais dit au Mont-Thabor? Et bien, voilà un extrait de mon homélie:
Sur la montagne, Jésus se révèle comme l'Envoyé du Père, comme celui qui transmet ce qui vient du Père. La présence de Moïse atteste que Jésus est la Parole de Dieu, la Bonne Nouvelle, … et la voix du Père annonce : “ Ecoutez-le ” La présence d'Élie confirme que Jésus est révélation de Dieu, qu'il est celui qui pourra dire: “ Qui m'a vu a vu le Père ” (Jean 14, 9).
La Transfiguration éclaire la montée du Fils de l'homme à Jérusalem.  Aux disciples qui ne peuvent comprendre le chemin que veut suivre leur maître, Dieu fait entrevoir la gloire mystérieuse de son Fils et exige d'eux qu'ils écoutent son enseignement. Cette scène mystérieuse ne prend son sens que dans la perspective de la Résurrection glorieuse du Christ dont elle est manifestement une anticipation.
La Transfiguration est un avant-goût du Royaume.  Pour un instant, Jésus montre sa gloire divine, confirmant ainsi la confession de Pierre.  Il montre aussi que, pour "entrer dans sa gloire" (Luc 24, 26), il doit passer par la Croix à Jérusalem.
Au seuil de la vie publique de Jésus, il y a son baptême ; au seuil de la Pâque, se situe sa Transfiguration.  Nous recevons notre baptême du baptême de Jésus; par sa Transfiguration, nous sommes sûrs de notre propre résurrection. Dès maintenant, nous participons à la Résurrection du Seigneur par l'Esprit Saint qui agit dans les sacrements du Corps du Christ.  La Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du Christ "qui transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer." (Philippiens 3, 21).  Mais elle nous rappelle aussi “ qu'il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu ” (Actes 14, 22).

À titre anecdotique, j'étais tellement ému à l'idée de proclamer une homélie en ce lieu si particulier que, troublé, comme les trois Apôtres, je mis  mon aube devant derrière …"

Il faut avouer que Candide ne put retenir un rire énorme !!!
Lorsqu'un calme relatif fut revenu, Théophile, amusé, redevint sérieux: "Veux-tu encore un extrait de mon homélie de 1999?"
Candide opina du chef.
            Les mystères de Notre Seigneur doivent être pour nous un objet de contemplation, d'admiration, de culte ; ils doivent être aussi comme des sacrements qui produisent en nous, dans la mesure de notre foi et de notre amour, la grâce qui y est marquée.
            Au cours d'une retraite Ignatienne, j'ai découvert la prière contemplative.  Il s'agit d'essayer d'entrer dans la scène que relate la lecture.  Cela suppose renoncement et simplification.  Aujourd'hui, chère Candide, je t'invite à faire taire ton intelligence, pour écouter ton coeur.  Dieu se communique sans paroles, par le recueillement, par le silence. Il faut faire silence, pour saisir cette brise légère qui est celle de l'Esprit de Jésus.
-Silence de la parole d'abord: se taire.
-Puis silence des choses: éviter le bruit.
-Enfin, silence du coeur: se mettre dans le coeur du Seigneur.  Laisser Dieu mettre sa main au travers de nous.  Accepter la traversée du désert si c'est le chemin de Dieu.
Dieu communique à son heure, pas à la nôtre; soyons comme un guetteur qui attend l'aurore.  Nous entrerons ainsi dans son mystère.
La grâce que nous pouvons demander aujourd'hui est de devenir une âme de prière, une âme de prière qui nous donnera toutes les audaces, tous les courages.  Être une âme de prière c'est avoir une relation d'intimité avec chacune des trois personnes de la Sainte Trinité.  Ce n'est pas une prière intellectuelle, c'est une prière qui nous rend amoureux de Dieu.  C'est une grâce d'abandon de nous-mêmes."
-"Merci, Théo… J'ai encore de quoi réfléchir.
À dimanche?"
-"Oui, sans doute, mais je te confirmerai notre entretien, car j'ai un projet qui pourrait bien décaler cet entretien."
-"OK! Bye!"
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Prochain texte
vers le 24 mars 2017
3e dimanche du carême 2017
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Illustrations
 Fra Angelico
Giovanni Bellini
Photos de la collection personnelle de l'auteur
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

Le 11 mars  2017

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