Les
entretiens du dimanche
22
Le carême
Temps de préparation à Pâques
Nos amis se sont quittés
dimanche dernier sans choisir un thème pour leur prochain entretien. Dans la
semaine, le Père Stanislas évoqua avec Théophile le carême dont il fallait
fixer les modalités de la célébration du mercredi des Cendres ainsi que tout ce
qui avait trait à ce temps liturgique. Théophile téléphona alors à Candide et
lui proposa de retenir ce thème pour leur entretien. Pourquoi pas, lui
répondit-elle?
-"Bonjour, Candide. Je t'ai proposé de parler
du carême, temps liturgique dans lequel l'Église
catholique va entrer bientôt. Tu sais qu'il y a cinq temps liturgiques dans
chaque année: l'avent qui commence l'année liturgique, vers fin novembre, début
décembre. Puis viennent le temps de Noël, le temps du carême, le temps pascal,
et pour combler le reste de l'année le temps ordinaire."
-"Oui, je sais cela, mais le carême n'est-il pas le temps le plus triste?"
-" Avec le carême, nous entrons en effet maintenant dans un temps
liturgique dont la réputation de tristesse et d'austérité est assez largement
répandue. Si on interroge quelqu'un à l'improviste, il répond spontanément que le carême évoque la morosité, la pénitence, la
privation, bref rien de bien réjouissant.
Ce n'est pas dans cet esprit qu'il faut, pour un chrétien, aborder
le carême, mais nous allons voir qu'il faut le vivre dans un esprit
radicalement opposé, dans la perspective exaltante de Pâques. En réalité, le
carême est le temps qui prépare à la joie de Pâques. Pâques, c'est la
résurrection de Jésus qui marque sa victoire sur la mort. Pâques, c'est pour
tout homme l'espérance d'une vie nouvelle, au-delà de la mort, vie délivrée de
la violence, du manque d'amour et de tous les maux qui frappent l'humanité.
Dans son message pour le carême 2017, le pape
François écrit que " le carême est un nouveau départ, une route menant à une
destination sûre: Pâques, résurrection et victoire du Christ sur la mort… [C'est] un fort appel à la conversion: le chrétien est appelé à
revenir à Dieu de tout son cœur ( Joël 2,12), de ne pas se contenter d'une vie
médiocre, mais de grandir dans l'amitié avec le Seigneur. Jésus est l'ami fidèle qui ne nous
abandonne jamais, parce que, même quand nous péchons, il attend patiemment
notre retour à Lui"
Dans
deux de ses lettres, voici ce qu'écrivait Sainte Élisabeth de la Trinité:
« Pense que tu es avec Lui [Jésus], et agit comme avec un être qu'on
aime; c'est si simple, pas besoin de belles pensées, mais un épanchement du
cœur." (Lettre 273)
"Et la méditation ? Je te conseille de simplifier tous tes
livres, de te remplir un peu moins, tu verras que cela est bien meilleur.
Prends ton crucifix, regarde, écoute." (Lettre 93)
"Quand tu as du chagrin, dis-Lui, à Celui qui sait tout, qui
comprend tout, et qui est l'hôte de ton âme." (Lettre 93)
Surprise par ces évocations de textes que Théophile a choisis,
Candide eut quelque mal à exprimer sa pensée: "Le carême me semble être un temps difficile à vivre pour le chrétien de
base. Il faut être honnête avec soi-même, n'est-ce pas? Il faut se pencher sur
sa manière de vivre sa foi, sa manière de vivre avec les autres et de pratiquer
sa religion… ce n'est pas facile d'être chrétien, vraiment pas facile … Et ceux
qui s'engagent comme moi peuvent être rapidement découragés."
-"Oui, Candide. C'est
pourquoi l'Église se doit d'être accueillante; elle se doit d'être
exemplaire, de consacrer du temps pour soutenir ceux qui désirent être baptisés
et ceux qui, étant baptisés, peinent à vivre pleinement l'engagement de leur
baptême: elle se doit de les entourer, de les encourager, d'être présente. Il y a peu de prêtres en
notre pays, mais ils se doivent d'être à l'image de leur saint patron le curé
d'Ars; pour eux, leur petit nombre est un handicap certes, mais ils se doivent
d'être présents et attentifs à ceux
qui leur sont confiés … Ce n'est pas une critique genre "y a qu'à",
car les chrétiens se doivent en retour de soutenir leurs prêtres. Il faut avant
tout que les chrétiens, en France, évitent de se confiner dans des communautés
bien établies en paroisse, mais qui, à la longue, deviennent des communautés
fermées. Les chrétiens en France doivent apprendre à vivre en toutes petites
communautés fraternelles autour de leur curé, et être des communautés de petite
taille, mais ouvertes et non pas
fermées, ouvertes aux tièdes en religion, ouvertes à ceux qui tentent de donner
un sens à leur vie, ouvertes aux non-croyants.
-"J'entends bien, dit Candide, mais
aujourd'hui règne une si grande indifférence entre voisins que ce que tu proposes
est utopique!"
-"Utopique, oui, si
on n'essaye rien. Mais alors, pourquoi entendre tant de gens parler de
fraternité, de relation, de communication? Bla-bla sans réelle conviction,
parce que c'est la mode? … Je vais te citer une expérience vécue par Louis.
Chargé de créer un service paroissial de visites aux malades, il a eu toutes
les peines du monde à constituer une équipe, qui s'est désagrégée très vite. Obstacles
majeurs: 1- chacun a ses malades
et pas question que d'autres aillent les visiter: 2- impossible de connaître
les paroissiens (ou d'autres?) tombés malades parce que vivant isolés et par
conséquent inconnus des
<bénévoles> … l'équipe a rapidement renoncé. L'expérience a échoué."
-"Dis donc, Théo? Tu
me sembles bien déprimé aujourd'hui?"
-"Non, mais je ne
peux pas faire un constat plus optimiste. Louis et moi, nous avons vécu un
ministère difficile, et crois-moi, il faut avoir la foi et l'espérance pour
persister."
-"Je te le concède.
D'où vient le mot <carême>?"
-" Le mot carême vient du latin "quadragesima" qui
signifie "quarantième" ou "quarantaine", selon qu'il est
pris comme adjectif ou substantif. Devenu "quaresima" en latin
populaire, il apparaît dans la langue française en 1190, sous la forme
"quaresme". Le carême dure quarante jours en souvenir des quarante
jours que Jésus passa dans le désert avant de commencer sa vie publique.
On retiendra deux aspects du carême,
comme j'ai attiré déjà ton attention sur eux:
-le carême est un temps de préparation de la célébration de Pâques,
et
c'est aussi et surtout un temps où l'on se remet face aux exigences de notre
baptême et un temps de réconciliation.
Autrement dit, le carême nous est offert pour que nous
reprenions goût aux sacrements qui façonnent pour une bonne part notre vie
chrétienne.
Je n'insiste pas sur le temps de Pâques
qui fera l'objet d'un autre développement un peu plus tard."
-"Quand le carême est-il devenu un temps
liturgique?"
-"C'est le Concile de Nicée (325) qui, le
premier, fait mention de son existence. L'accent est mis sur les efforts à
faire, sans impliquer le jeûne qui fait partie des pratiques obligatoires de la
semaine sainte. Dès le 3e siècle, à Rome, il est d'usage de célébrer
durant la nuit pascale le baptême de ceux qui sont venus à la foi chrétienne et
qui ont été catéchisés. Très rapidement, l'Église met à profit le temps du
carême pour assurer la préparation des catéchumènes au sacrement de
l'initiation chrétienne, préparation qui dure quarante jours tout comme celle
des pénitents admis à la réconciliation le Jeudi Saint. À ces deux catégories
de chrétiens, l'Église associe bientôt tous les fidèles, car c'est le corps du
Christ tout entier qui doit mourir et ressusciter avec lui durant les fêtes
pascales.
Le carême primitif a un caractère
communautaire très accentué. Chaque jour, ou presque, une liturgie rassemble
toute la communauté des fidèles soucieuse d'accompagner au baptême les
catéchumènes, de les entourer de sa prière, et de se préparer elle-même par la
pénitence à vivre Pâques. Le carême a aujourd'hui une physionomie différente de
celle des siècles passés, ce qui ne veut pas dire qu'il ait perdu son sens et
son actualité."
-"J'ai une amie … au fait, tu la connais: Cécile
… Elle m'a dit que ce temps particulier commençait le mercredi des Cendres …
C'est quoi?"
-"Elle t'a bien renseigné.
Le mercredi des Cendres marque l’entrée en
carême pour les chrétiens. C’est un jour de pénitence, qui suit le mardi-gras,
jour du carnaval où, selon leur humeur et leur morale, les gens se livrent à
cette fête plus ou moins débridée.
C’est le
pape Grégoire 1er qui a institué ce jour de pénitence, vers 591. Ce jour-là, les prêtres et les diacres
imposent les cendres au front du pénitent, en traçant une croix. C’est
l’évocation symbolique de la mort. Le célébrant trace la croix de cendres en disant l’une des
deux formules liturgiques :
« Convertissez-vous et croyez à
la Bonne Nouvelle »
ou
« Souviens-toi que tu es
poussière, et que tu retourneras en poussière »
Ces cendres
sont obtenues en brûlant les rameaux bénits l'année précédente le dimanche des
Rameaux. Les cendres sont elles-mêmes bénies solennellement avant la messe.
Parler de pénitence implique trois principes majeurs et fondamentaux pour le
chrétien : la prière, l'aumône et
le jeûne.
Le mercredi des Cendres s'appelait à l'origine "jour initial du jeûne". Ce
jour-là, on voit les chrétiens sortir des églises marqués d'une petite croix
grise sur le front: ils ont reçu les cendres en signe de pénitence. Ce rite
nous rappelle que nous devons mourir un jour, que le monde actuel est un monde
passager, et que nous sommes appelés à une autre vie qui ne passera pas. Le
jour des Cendres tout nous incite à revenir à Dieu, à faire pénitence et à nous
convertir. Comme références bibliques, je t'indique trois textes: (Jl 2,12-18;
2 Co 5,20-6,2; Mt 6,1-18)"
-"Tu peux me les lire maintenant?"
-"Bien volontiers. D'abord Joël:
[Théophile commença à lire; nous n'en donnons que les
passages pour lesquels nous ressentons personnellement une affinité et une
importance pour notre vie spirituelle]
12 Revenez à moi de tout votre cœur
13 Déchirez vos cœurs et non pas vos
vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et
miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour, renonçant au châtiment.
Maintenant, la seconde lettre aux Corinthiens:
5 20 … Nous sommes donc les ambassadeurs du
Christ, et par nous c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au
nom du Christ … laissez-vous
réconcilier avec Dieu. 6 Nous vous invitons encore à ne pas
laisser sans effet la grâce reçue de Dieu. 2 Car il dit dans l'Écriture :
Au moment favorable, je t'ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton
secours.
Or, c'est maintenant le moment favorable, c'est maintenant
le jour du salut.
et
enfin Matthieu qui conseille de faire l'aumône, prier et jeûner de
manière à plaire à Dieu.
1 “
Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d'agir devant les hommes pour
vous faire remarquer … 2 Ainsi, quand tu fais l'aumône, ne fais pas sonner de
la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les
synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes ... Ceux-là
ont touché leur récompense.
5 Et quand
vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle … 6 toi, quand
tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui
est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il
te le revaudra. 7 Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils
s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. 8 Ne les imitez donc pas,
car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l'ayez
demandé.
9 Vous donc,
priez ainsi : Notre Père, qui est aux cieux,…
tu connais cette prière? Candide fit
signe que oui.
14 Si vous
pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. 15
Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, à vous non plus votre Père ne
pardonnera pas vos fautes. 16 Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air
abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle 17 Toi, quand tu jeûnes,
parfume-toi la tête et lave-toi le visage
18 ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton
Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le
secret : il te le revaudra."
Pour
conclure, je crois fermement que le Seigneur Jésus a fait preuve de compassion envers
nous. Son désir était de nous appeler à lui, et pas de nous faire fuir en nous
effrayant. La douceur marque sa venue ; sa venue est marquée par
l'humilité. Il a dit d'ailleurs : « Venez à moi, vous tous qui
peinez, et je vous réconforterai » [Mt 11,28]. Ainsi donc, le Seigneur Jésus réconforte, il n'exclut pas, il ne
rejette pas.
Faisons pénitence de nos péchés. Alors nous trouverons
le Christ : lui-même a expié le péché qu'il n'avait absolument pas commis.
Alors, celui qui sauve les pénitents nous accordera le salut... Dieu fait
miséricorde à ceux qui se convertissent.
-"Théo, merci pour tout. Avec le contenu de
cet entretien, j'ai de quoi réfléchir, méditer, et prier toute la semaine."
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Prochain texte
le 18 février 2017
La maladie peut-elle être source d'isolement social?
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Illustration
Le Christ de miséricorde d'après Sainte Faustine
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Chers
lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions,
écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre
chaque dimanche … si vous le voulez bien.
Le 11 février 2017
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