Les entretiens du dimanche
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Chronologie des écrits du Nouveau Testament
On approchait de
la Noël, car la période de l'Avent était commencée. Il faisait très froid
depuis quelques jours, et Théophile était très étonné que Candide ne donne
aucun signe de vie, elle qui avait toujours des questions en tête. Aussi
avait-il téléphoné à son amie pour prendre des nouvelles, et la pauvre Candide
lui avait appris, d'une petite voix, qu'elle avait la grippe et qu'elle ne
pourrait se rendre au prochain entretien. Théophile, peiné, lui avait souhaité
un rapide rétablissement.
Décidément, l'épidémie
de grippe commençait à sévir. L'épouse de Théophile avait dû s'aliter car elle avait attrapé la grippe, elle aussi, et une personne d'aide aux handicapés la gardait. Aussi, après la messe du dimanche où
le frère François avait assisté le Père Stanislas, Théophile était libre. C'est
alors que le Père Stanislas avait proposé à Théophile de se joindre au repas;
Théophile avait accepté avec joie, d'autant que François était de la partie.
Après un repas
frugal, nos trois amis prenaient un café bien mérité, quand frère François
s'enquit du sujet que Théophile aurait abordé avec Candide. Il s'agissait de la
chronologie des écrits du Nouveau Testament.
-"Théo, demanda frère François, peux-tu nous en dire quelques mots?"
-
"Bien sûr. Judas était mort de façon
tragique, quelques heures après avoir livré son maître. Jacques, frère de Jean,
l'un des Douze, trouva la mort en 43 ou 44, au cours d'une persécution menée
contre l'Église par le roi Hérode Agrippa Ier (Ac 12,1-2). À mesure que les
années passaient, les compagnons de Jésus disparaissaient les uns après les
autres. Les témoins directs se faisaient plus rares, et l'on voyait venir le
temps où plus un seul ne serait là pour garantir la tradition remontant à
Jésus. Le retour tant espéré de Jésus dans sa gloire devenait de plus en plus
problématique. Tout cela joua un rôle non négligeable dans l'idée qui se fit
jour de rédiger les textes que nous appelons évangiles."
-" Je
t'arrête, intervint
le Père Stanislas. il s'agissait alors de
consigner les faits et gestes, et l'enseignement de Jésus. Beaucoup se mirent à
la tâche. On ne peut donc pas parler d'évangiles, tels que nous les connaissons
aujourd'hui."
-" Oui, je
suis allé un peu vite dans la manière de m'exprimer, répondit
Théophile. D'ailleurs, cela vaut aussi
pour les autres textes du Nouveau Testament."
-"Sauf
peut-être pour les lettres de saint Paul. <Peut-être> est de trop, je
pense, dit
frère François. Je suis sûr qu'on ne peut
pas douter que ce soit Paul qui ait écrit les textes qu'on lui attribue. En
fait, ce sont les textes que les spécialistes reconnaissent comme écrits en
premier. Les voyages de Paul s'étendent des années 44 à 67, 67 étant l'année de
son exécution à Rome.
Si vous le
voulez bien, je vous donne des détails?"
- "Volontiers,
dirent
d'un même accord, le Père Stanislas et Théophile."
Paul de Tarse
-
"Donc, Paul a écrit les lettres aux
Thessaloniciens entre 50 et 52. Suivirent en 57, la lettre aux Philippiens et
les deux épitres aux Corinthiens. Entre 58 et 60, il écrivit la lettre aux Galates
et la lettre aux Romains, qui furent suivies des lettres aux Colossiens, Éphésiens
et à Philémon en 63, et enfin des quatre derniers textes en 67, j'ai nommé la
lettre à Tite, aux Hébreux, et les deux à Timothée."
-
"Et bien! quelle mémoire, quelle
érudition, mon cher François, ne put s'empêcher de reconnaître le Père
Stanislas. À mon tour de faire preuve
d'un manque de modestie, en ajoutant quelques autres dates: entre 58 et 60 se
situe la lettre de saint Jacques, suivi de la première épître de Pierre en 63,
de Jude et de la deuxième lettre de Pierre entre 80 et 90. "
-
Théophile, muet jusque là, sortit de son silence ébahi: "et les évangiles, dans tout cela ? J'ai
entendu dire que l'évangile de Marc aurait été rendu publique en l'année 70
!"
- "Bonne
remarque, dit
frère François, car pour les Évangiles on
annonce les années 80 pour ceux de Luc et de Matthieu, et 90 pour Jean. Les
actes des apôtres auraient été écrits en 80, l'Apocalypse et les lettres de
Jean en 95 !"
-" En
effet, intervint
le Père Stanislas, les dates retenues
pour les Évangiles sont très tardives par rapport aux autres écrits."
-Théophile se
tourna vers le Père: "Comment
peut-on expliquer ce décalage ?"
- "Il y eut
bien un moment dans l'histoire des évangiles où se fit le passage de l'oral à
l'écrit, mais les circonstances de composition et le contenu des premiers
recueils se perdent dans le dédale des hypothèses. Certains biblistes font
remonter très haut dans le temps les premiers textes rédigés ; d'autres, au
contraire, considèrent que tout le matériau évangélique se transmit par oral,
pratiquement jusqu'à la rédaction du premier évangile, celui de Marc, dans les
années 65-70 de notre ère. La vérité est sans doute à situer quelque part entre
ces deux extrêmes.
Ce qui est
quasiment sûr, c'est que les premiers écrits chrétiens officiels ne furent pas
des évangiles, même fragmentaires, mais des épîtres. Aucune d'entre
elles ne fait la moindre allusion à un quelconque écrit sur Jésus qui aurait
fait autorité dans les communautés chrétiennes. Si donc, des collections de
récits ou des recueils de paroles évangéliques existaient dans ces années-là
sous forme écrite, ils n'avaient aucun caractère officiel et étaient tout au
plus des aide-mémoire.
Dans les années 50-60 pour faire face à
l'augmentation du nombre des fidèles et à la naissance de nouveaux foyers de
christianisme, l'Église eut besoin de textes qui favorisaient l'unité de
pratique entre des lieux souvent assez éloignés les uns des autres ; par
exemple des recueils de miracles ou de paroles de Jésus sur un sujet donné,
dans lesquels on pouvait puiser pour la catéchèse ; ou encore des regroupements
de controverses sur le sabbat ou d'autres points de la loi de Moïse qui
servaient dans la polémique avec les Juifs restés hostiles au courant chrétien.
Dans ce
passage à l'écrit, la liturgie joua sans doute un rôle non négligeable. À côté
des Écritures juives utilisées pour les célébrations, des textes liturgiques
chrétiens eurent assez tôt leur place : chants, hymnes, mais aussi récits liés
aux grandes fêtes de l'année chrétienne dont le calendrier se constituait
progressivement. La Pâque occupait la toute première place, ce qui explique que
les récits de la Passion et de la Résurrection soient à compter parmi les plus
anciens fragments d'évangiles rédigés. Ainsi fixés, ils pouvaient aussi être
mieux communiqués d'une Église à l'autre.
On peut aussi partir
des quatre évangiles achevés tels que nous les trouvons dans nos bibles. Leurs
divergences existent. Mais leurs ressemblances sont parfois telles qu'on est
amené, pour en rendre compte, à faire l'hypothèse de sources écrites dans
lesquelles les rédacteurs auraient puisé. Aucune de ces sources ne nous est
parvenue ; aussi, différentes tentatives ont-elles été faites pour en
déterminer la nature et le contenu. Ces essais fort variés sont habituellement
appelés “hypothèses documentaires ”, parce que faisant appel à des documents
hypothétiques plus ou moins nombreux.
La plus classique, mise au point en 1832 par le
bibliste allemand Friedrich Schleiermacher, est
connue sous le nom de “ théorie des deux
sources”. Elle suppose que les évangélistes Matthieu et Luc auraient tous
deux utilisé comme source, d'une part l'évangile de Marc, antérieur au leur,
d'autre part un document hypothétique, actuellement perdu, regroupant
essentiellement des paroles prononcées par Jésus, qui reçut le nom de “ source
des logia (du mot grec logion qui signifie “ oracle ”), ou plus
simplement de “ source Q ” (Q étant
la première lettre du terme allemand Quelle qui veut dire “ source ”). Le
document Q serait à l'origine de nombreux passages communs aux évangiles de
Matthieu et de Luc, et absents de Marc. Cette hypothèse, vieille d'un siècle et
demi, ne rend pas tout à fait compte de la complexité des ressemblances et des
différences entre les quatre évangiles canoniques. Aussi a-t-on été amené,
particulièrement en milieu francophone, à proposer d'autres schémas, mettant en
jeu d'autres documents sources, parfois fort nombreux (jusqu'à six ou sept),
mais toujours aussi hypothétiques. Tous ces essais sont intéressants car ils
partent d'observations, souvent très fines, sur le texte évangélique, mais
aucun ne s'impose dans ses résultats. On ne sort pas du registre des
hypothèses.
Dans l'état actuel de la recherche, force est alors
de reconnaître que la nature et le contenu des recueils évangéliques écrits,
antérieurs aux évangiles achevés dont nous possédons le texte, restent mal
connus. Il est raisonnable de supposer l'existence de tels recueils comme
transition entre la transmission purement orale des débuts de l'Église et les
évangiles rédigés dans leur état final, mais il est difficile d'être plus
affirmatif.
-"
Ainsi, ajouta Théophile qui avait préparé
l'entretien prévu avec Candide, nous ne possédons des évangélistes aucun manuscrit
autographe. Matthieu, Marc, Luc et Jean n'ont d'ailleurs peut-être jamais écrit
leurs oeuvres de leur propre main car, dans l'Antiquité, on dictait souvent ses
discours ou sa correspondance à un scribe professionnel.
Le fait que
nous ne possédons pas les manuscrits originaux des évangiles n'a rien
d'extraordinaire. Il est commun à tous les écrits de l'Antiquité rédigés sur un
support fragile : papyrus ou parchemin. Les manuscrits évangéliques en notre
possession sont des copies de copies. Les plus anciens sont écrits sur papyrus,
moins cher que le parchemin
-" C'est
exact, confirma
frère François; mon ami, je pense que tu
aurais intéressé Candide; souhaites-lui un rapide rétablissement, et ajoutes
que je serai heureux de la revoir, car c'est une jeune femme qui manifeste
beaucoup d'intérêt pour les racines de notre religion. Sur ce, je vous quitte;
je retourne au monastère."
-"Au
revoir, ami, dirent ensemble
le Père Stanislas et Théophile."
Ils
se séparèrent en se souhaitant une bonne fin de journée.
*****
Proposition
de méditation
L'Avent
Nous venons de recommencer le cycle liturgique de trois années, qui
dispense un enseignement de base pour tout chrétien qui le suit avec assiduité,
et qui fortifie sa foi s’il prend le temps de la méditation et de la prière.
Chaque année liturgique débute par le temps de l’Avent. C’est un temps de conversion. Mais c’est aussi un temps de
renforcement de la foi de chacun et de celle de l’Église, et un temps d’attente,
comme le dit le prophète Isaïe : « Soyez forts, ne craignez pas, voici votre Dieu. »
C’est enfin un temps d’espérance : « Que soient pleins d’allégresse désert et
terre aride, que la steppe fleurisse. » Laissons-nous imprégner un
instant de la poésie qui naît de l’opposition de ces extrêmes.
Toute la création entre dans l’allégresse, parce
que le Sauveur de notre monde vient. Nos yeux doivent s’ouvrir, nos oreilles
doivent entendre, nous devons cesser de boiter. Certes cela ne se fera pas en
un jour, et la courte durée du temps de l’Avent n’y suffira pas ; il
faudra y mettre beaucoup de persévérance et de patience, et à cet égard
méditons l’image employée par l’Apôtre Jacques : « Voyez le laboureur : il attend patiemment le précieux fruit
de la terre. »
Ne rien bousculer, n’être pas comme ceux qui
aujourd’hui veulent tout, tout de suite, car alors l’insatisfaction vient vite
et un autre objet de convoitise vient remplacer celui qui vient d’être obtenu. Il faut être patient pour construire du
solide, pour affermir ce que la prière, l’écoute et l’étude de la Parole de
Dieu produiront comme fruits.
Nous croyons en un
Dieu qui est vérité, qui est justice, qui est miséricorde. Le psaume de ce jour
146 (145) nous présente Dieu actif en ce monde, Dieu qui nous indique la voie
dans laquelle nous engager pour le rencontrer. C’est un Dieu qui « rend justice aux opprimés, donne aux affamés
du pain, délie les enchaînés. Il rend la
vue aux aveugles, il redresse les courbés, Il aime les justes, Il protège
l'étranger, Il soutient l'orphelin et la veuve. »
Le temps de l’Avent
n’incite donc ni à la passivité, ni à l’introspection inactive ; bien au
contraire. Et l’évangile de ce troisième dimanche illustre ce que doit être
notre recherche. Il attire d’abord notre attention sur les signes qui annoncent
la présence du Royaume de Dieu, et sur ce qu’il convient d’appeler les pauvres en donnant à ce mot un sens
qu’il ne faut pas limiter au seul aspect matériel, mais qui inclut le côté
spirituel et moral de l’être humain. Enfin, le Christ nous donne Jean comme
modèle.
Que nous apprend
d’abord l’évangile ? Jean est en prison, alors que Jésus a commencé sa vie
publique, avec quelque difficulté il est vrai ; les habitants de Nazareth,
après lui avoir fait bon accueil, ont fini par se retourner contre lui avec
violence (Lc 4,28). Dans sa prison, le prophète s’interroge : qui est cet
homme qui accomplit des miracles ? Est-il celui dont il avait reçu mission
de préparer le chemin? Jean Baptiste est-il pris d'un doute au sujet de Jésus ?
On ne sait pas. À moins qu'il ne demande à Jésus, qui semble bien le comprendre
ainsi, une parole qui confirme la réussite de sa mission et qui illuminera les
derniers moments de sa vie. Et Jésus lui
renvoie la parole du prophète Isaïe: les aveugles voient, les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la
Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
Les pauvres. Au
sens des Béatitudes, ils sont nombreux aujourd’hui. Le ministère diaconal nous
fait approcher des détresses provoquées par l’avenir incertain, par la solitude
qui touche maintenant de plus en plus de jeunes, par le sentiment d’inutilité
qui frappe certains dans notre société mondialisée où ceux qui n’ont pas assez
d’efficacité ou d’intérêt commercial sont marginalisés et rejetés, je pense ainsi
aux personnes âgées et aux handicapés ;
il y a aussi tous ceux qu’inquiètent d'une insécurité grandissantes
dans les villes et villages (agressions, violences, incivilités, arnaques,
brutalités envers les faibles et les vieux, terrorisme, …) dont les médias se complaisent à nous parler. Inévitablement, l’angoisse du
lendemain vient saisir tous ces pauvres; souvent, par pudeur ou par fierté, ils vont rester discrets sur leur
misère. Ils se privent ainsi de la charité fraternelle de ceux qui ont à leur
dire qu’ils sont importants, que Dieu suscite des bonnes volontés qui les
aideront car cette charité est une pratique de justice qui plaît à Dieu (cf.Mt
6,2-4). Leurs prières montrent que ces pauvres attendent quelqu'un qui sera
avec eux, qui entrera dans une relation de confiance mutuelle avec eux, qui
marchera avec eux, et surtout leur révélera leur dignité et qu'ils sont les
enfants précieux du Père. Ils ont besoin que quelqu’un leur redonne la force de
repartir dans la vie.
Mais les âmes charitables sont peu nombreuses, hélas!
C’est pourquoi le Christ désigne Jean-Baptiste à notre attention et il
nous recommande de nous mettre à son école : école d'humilité, de sens de Dieu,
d'abnégation et de joie (Jn 3,29). Ce ne sont pas nos mérites personnels qui
comptent, mais la manière dont nous sommes disciples du Christ. Ce qui est le
plus précieux en nous, c'est notre coeur ; notre tête et nos mains n'ont
de valeur que dans la mesure où ils sont au service de l'amour et de la relation
fondée sur une alliance, jaillissant de l'alliance avec Jésus. Par le baptême,
accompli dans une vie de charité, nous sommes entrés dans le Royaume de Dieu,
parce que la miséricorde de Dieu est
immense, si petits soyons-nous et si faible soit notre foi.
Il est temps de conclure. Qui mieux que l’évangéliste Matthieu
pourrait nous faire comprendre ce que Dieu attend de nous :
«Vous avez reçu gratuitement,
donnez gratuitement»
(Mt 10,8). …
C'est à ce qu'ils auront fait pour les pauvres que Jésus Christ
reconnaîtra ses élus (cf. Mt 25,31-36).
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Prochain texte
Un Sauveur nous est
donné
le 18
décembre
si Dieu
le permet.
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Illustration
Rembrandt : Paul de Tarse
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Chers
lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions,
écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre
chaque dimanche … si vous le voulez bien.
Le 11 décembre 2016
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