Les
entretiens du dimanche
27
Journée du pardon
12 avril 2017
Église Saint-Michel, Dijon
Pardonnez-nous nos offenses
comme nous pardonnons …
Avertissement : sous le titre "Les
entretiens du dimanche", l'auteur qui est diacre permanent publie une
édition plus complète d'un premier document. Commencé en septembre 2016, les nouveaux textes exposent ses
réflexions sur la foi chrétienne, sous la forme d'un ensemble d'entretiens
entre deux personnages, le diacre Théophile et une jeune femme, Candide, qui
n'est pas baptisée.
Le présent texte est en lien avec la journée
du pardon du 12 avril 2017.
*****
Une fois n'est pas coutume, Théophile
et Candide décidèrent de tenir leur entretien un jour de semaine. Théophile
avait été indisposé par une grande fatigue, conséquence du dérèglement persistant
d'un de ses organes vitaux.
Il n'était pas en grande forme. Candide
le salua d'un retentissant: "ben,
mon pauvre vieux, tu as l'air épuisé!"
-"Tu ne crois pas si bien dire. Très fatigué,
oui, mais aussi un peu déprimé."
-"Déprimé? Ce n'est pas habituel, chez toi."
-"C'est vrai …"
Théophile
hésita à poursuivre; Candide, un peu étonnée, le laissa en paix reprendre son
souffle et ses esprits.
-"Ce matin, en arrivant, reprit Théophile
un petit moment après, j'ai rencontré le
Père Stanislas. Je l'ai trouvé un peu triste, et il y a de quoi. Il serait sur
le point d'être nommé dans une autre paroisse, et le nom de son successeur
probable l'a rendu inquiet pour ses paroissiens."
-"Inquiet? Pourquoi?"
-"Je crois que le nouveau prêtre serait plus
un penseur de haut niveau que prêtre très proche de ses paroissiens, pour les écouter, les soutenir, leur porter
aide et assistance, bref être charitable.
Après quelques instants de silence,
Théophile ajouta: "Y aura-t-il place
pour un diacre ayant dépassé les 80 ans? … J'en doute. Tant pis. Et pourtant,
je me souviens d'un verset de psaume … Euh! attends, je cherche dans ma mémoire
… Ah ! oui ! le psaume 91 : <Vieillissant, il fructifie encore, il garde
sa sève et sa verdeur.>
Je reconnais que
cette citation sort un peu du contexte de ce psaume, mais je la trouve très
évocatrice; elle exprime ce que le monde actuel semble oublier, à savoir que
"les vieux" comme on dit maintenant ont un trésor d'expérience et de
sagesse en eux, et qu'ils ne sont pas des "déchets" comme le déplore
le pape François. Tu sais, Candide, les psaumes sont un don de Dieu."
-"Mon ami,
tu n'es pas vieux. Il suffit de voir ce que tu fais encore, de constater avec
quelle curiosité inlassable, tu t'intéresses à l'évolution du monde, à la
science, et aux nouveautés technologiques? D'ailleurs, tu fais aussi des
programmes informatiques pour ta fille, n'est-ce pas?... Théophile
acquiesça d’un signe de tête. Mais, au fait, quel est le contexte de ce
psaume?"
-"Le voici:
rendre
grâce à Dieu, pour la vie de son Christ, et pour son corps qui grandit parmi
nous. Qu'il donne à son Église de
fructifier encore : comblée de joie par la grandeur de ses oeuvres, qu'elle
annonce au monde son amour.
Voilà comment on
peut le résumer.
Mais revenons à
aujourd'hui. Nous approchons de la Semaine Sainte. Il serait bon que nous
évoquions le pardon. Dans la prière du <Notre Père> le chrétien dit: Pardonne-nous
nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Ce
qui, en clair et en retournant la phrase, signifie: que je pardonne sincèrement
et complètement à ceux qui m'ont fait du tort, et alors Dieu me pardonnera mes
péchés, mes fautes, mes erreurs et le tort que j'ai fait aux autres,
volontairement ou non."
-"Donc,
mon ami, avant de s'adresser à un prêtre pour se confesser, il est
indispensable de se préparer sérieusement et sans rien dissimuler. N'est-ce
pas?"
-"Oui,
tu as raison. Sans rien dissimuler, et avec la ferme intention de ne pas
récidiver. C'est d'ailleurs ce que le pénitent déclare dans son acte de
contrition lors de sa demande pour recevoir le pardon de Dieu par l'entremise
du prêtre."
Candide était
perplexe. Sans doute lui semblait-il très difficile de remplir toutes ces conditions
exigeantes. Théophile attendait patiemment que Candide reprenne l'entretien.
Puis elle se manifesta en posant une question à Théophile:
-"Cécile que tu
connais m'a affirmé qu'il y avait deux versions du Notre Père dans le Nouveau
Testament. Est-ce exact?"
-"Oui. Matthieu et
Luc ont donné chacun une version. Les voici:
Mt 6,9-13
9 Vous donc,
priez ainsi :
Notre Père, qui
es aux cieux,
que ton nom soit
sanctifié.
10 Que ton règne
vienne ;
que ta volonté
soit faite sur la terre comme au ciel.
11 Donne-nous
aujourd'hui notre pain de ce jour.
12 Remets-nous
nos dettes,
comme nous les
avons remises nous-mêmes
à ceux qui nous
devaient.
13 Et ne nous
soumets pas à la tentation,
mais
délivre-nous du Mal.
et
pour Luc (Lc
11,2-4)
2 Quand vous priez, dites :
'Père,
que ton nom soit
sanctifié,
que ton règne
vienne.
3 Donne-nous le
pain
dont nous avons
besoin pour chaque jour.
4 Pardonne-nous
nos péchés,
car nous-mêmes
nous pardonnons
à tous ceux qui
ont des torts envers nous.
Et ne nous
soumets pas à la tentation.'
Si
on rapproche les parties qui ont rapport avec le pardon, on voit qu'elles
diffèrent.
Souviens-toi: Matthieu a écrit son
évangile pour les juifs, mais Luc pour des non-juifs. Le mot <dette> a un
sens très voisin de <péché> pour les juifs, mais pour un païen non-juif
il garde sons sens de chose due. C'est pourquoi Luc a écrit <Pardonne-nous nos péchés>; remarque bien qu'il
ajoute < nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers
nous>, des <torts> car seul Dieu pardonne le péché, par l'entremise
des prêtres: “
Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui
seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront
maintenus. ” (Jn 20,22-23).
-"Alors, comment dit-on aujourd'hui pour cette
prière du Notre Père?"
-"La traduction
récente de la Bible liturgique préconise de dire: <Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons
leurs dettes à nos débiteurs> pour
Matthieu, et <Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons
aussi à tous ceux qui nous ont des torts envers nous> pour Luc."
-"Et
toi, comment pries-tu?"
-"Vu
mon âge, je continues à dire < Pardonne-nous nos
offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.>. Je reste fidèle aux leçons de
catéchisme de mon enfance."
-"Et j'ai entendu
parler d'une journée du pardon.
Peux-tu me dire en quoi cela consiste?"
-"Bien sûr. Sans me
tromper, je puis dire que l'idée d'une telle journée est due au chanoine Marcel
Bourland du diocèse de Dijon. Depuis, l'idée a fait son chemin.
Ce
jour-là, des prêtres, des diacres et des laïcs accueillent en l'église tous
ceux qui souhaitent recevoir le pardon de leurs péchés, de leurs fautes, enfin
de tout ce qui pèse sur leur conscience et ne les laisse pas en paix.
Seuls, évidemment, les prêtres donnent le sacrement de réconciliation;
les autres personnes sont à la disposition de ceux qui souhaitent être préparés
à être entendu par un prêtre."
-"Je
te coupe la parole: tu parles de <sacrement de réconciliation>. Qu'est-ce
que c'est? C'est différent de la confession?"
-"Attends
un peu. Ne mélangeons pas tout. Restons
sur le pardon, et ensuite je t'expliquerai le sacrement de réconciliation.
Qu’est-ce que le pardon ? Je me place maintenant dans le cas de
celui qui a été victime d'une action, ou d'une parole qui lui a fait du mal et
du tort. Je me placerai plus tard dans la position de celui qui a fait du tort,
et j'aborderai le sacrement de
réconciliation.
J'ai subi un tort. Pardonner, ce n’est pas oublier. Car il ne nous
appartient pas de perdre la mémoire volontairement. Mais on peut éviter de
ressasser. Pardonner, c’est alors dépasser le tort qui nous a été fait, prendre
de la distance par rapport à lui. Il n’empêche que c’est très dur de pardonner.
On ne peut pas toujours y arriver: il faut laisser du temps au temps pour parvenir,
non pas à l'oubli, mais à relativiser son importance. Cependant, ce n’est pas
parce qu’on éprouve en soi un blocage, qu’on n’est pas sur la voie du pardon.
On ne pardonne pas d’un seul coup. Il y faut du temps, souvent des
mois, parfois des années. Mais pardonner n’est pas pour autant accepter les
torts que l’autre m'a faits. Bien au contraire, il s’agit de tout faire pour
obtenir justice et rétablir la situation d'avant le tort.
J'en viens
maintenant au sacrement de réconciliation. Dans la Bible, le pécheur est un
débiteur dont Dieu, par son pardon, efface (ou remet si tu préfères) la dette, remise si efficace que Dieu ne voit
plus le péché qui est comme jeté derrière lui (Is 38,17), ôté (Ex 32,32-33), expié, détruit. Le Christ utilise le
même vocabulaire. D'autres mots
(purifier, laver, justifier) apparaissent dans les écrits apostoliques qui
insistent sur l'aspect positif du pardon, qui est réconciliation et réunion.
Notre Dieu est un
Dieu de pardon (Ex 20,6), un “Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère,
riche en grâce et en fidélité.” Loin de vouloir la mort du pécheur, il veut sa
conversion (Ez 18,23) ; « ses voies ne sont pas nos voies », et
« ses pensées dépassent nos pensées » (Is 55,8).
Jésus est venu non seulement pour inviter les pécheurs à se convertir
et à croire (Mc 1,15), mais aussi pour guérir et pardonner. Il révèle que Dieu
est avant tout un Dieu d’amour, et aussi un Père dont la joie est de pardonner et
dont la volonté est que nul ne se perde (Mt 18,12-14; 2 P 3,9).
Nous constatons parfois que nous restons bien en
deçà des exigences de l'enseignement de Jésus Christ, que notre vie n'est pas
conforme à notre vocation de chrétien et à la volonté de Dieu, et que nous
allons même à l'encontre de ce à quoi nous sommes appelés et de ce que Dieu
attend de nous. Il nous arrive encore de
suivre "l'esprit de ce monde" au lieu de suivre ce que nous dit
l'Esprit Saint. Mais Dieu, dont la miséricorde est inépuisable, offre une
nouvelle possibilité de se convertir, en vue de recouvrer la grâce, à ceux qui
ont commis une faute grave après leur baptême: c'est le sacrement de pénitence
et de réconciliation. Les Pères de l'Église présentent souvent celui-ci comme
un second baptême, qui ne va pas sans peine, et comme une seconde planche de
salut après le naufrage du péché.
Ça va, tu suis?"
-"Oui, je t'écoute. C'est nouveau pour moi,
mais je ne demande qu'à découvrir ce qui compose la foi du chrétien."
-"Bon. Aujourd'hui, bien des hommes ont de la
peine à reconnaître leurs défaillances comme des fautes commises devant Dieu,
c'est-à-dire comme des "péchés". Ceci est d'autant plus inquiétant
que l'appel à la conversion se trouve au coeur du message de Jésus annonçant le
Royaume de Dieu qui vient: "Convertissez-vous et croyez à l'a Bonne
Nouvelle" (Mc 1,15). La conversion
et la pénitence font partie intégrante de la vie chrétienne: "Si vous ne
changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans
le Royaume des cieux" (Mt 18,3).
D'après Jésus, tous doivent se convertir, même les justes qui croient
n'en avoir pas besoin: " Si nous disons: Nous n'avons pas de péché, nous
nous égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous" (1 Jn 1,8).
Concrètement, se convertir signifie faire le bien et
observer la volonté de Dieu, principalement les exigences de la justice et de
la charité. Il n'y a pas de conversion à
Dieu sans attention portée à nos frères et soeurs. J'ai trouvé ces quelques
recommandations en Isaïe:
"Lavez-vous,
purifiez-vous.
Otez de ma vue
vos actions mauvaises, cessez de faire le mal.
Apprenez à faire
le bien,
recherchez la
justice,
mettez au pas
l'oppresseur,
faites droit à
l'orphelin,
prenez la
défense de la veuve" (Is 1,16-17).
La pénitence consiste donc à changer radicalement
notre vie, à se détourner du mal et à se tourner vers Dieu. Se convertir, c'est
chercher en Dieu seul de quoi donner un sens et une consistance à notre vie.
Le sacrement de pénitence et de réconciliation
comporte quatre parties successives: l'accueil
où le prêtre dialogue avec le demandeur, puis la contrition où le pécheur avoue sa faute et veut se corriger, en
réparant dans la mesure du possible les conséquences de son péché, la pénitence qui est prière à Dieu,
enfin la réparation du (ou des ) tort commis par le demandeur.
La pénitence peut revêtir de multiples formes, mais
toutes doivent être inspirées par la foi, l'espérance et la charité. La
pénitence imposée par le confesseur doit correspondre autant que possible à la
gravité et à la nature des péchés commis.
Elle peut consister dans la prière, dans une offrande, dans le service
du prochain et dans les oeuvres de miséricorde.
-"On doit se sentir mieux après avoir reçu ce
sacrement? "
-"Oh oui! On se sent léger, et joyeux. … Tiens,
à propos de la joie, je te cite une phrase de mon évêque qui ne m'en voudra
certainement pas de te rapporter son propos: < le pardon que
Dieu, dans sa miséricorde, nous accorde crée toujours la joie, la joie d'être
sauvé. « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se
convertit, plus que pour 99 autres, qui n'ont pas besoin de conversion »(Lc 7,15,7)"
-"Merci Théophile pour cet entretien.
Reposes-toi et reprend des forces."
-"Merci. À bientôt".
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Illustration
Rembrandt - Le Retour du Fils prodigue (vers 1668).
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Chers
lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions,
écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre
… si vous le voulez bien.
Le dimanche 9 avril 2017
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